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CEDRA

10 Février 2014


Déchets nucléaires

BURE est une impasse, il devient urgent de changer la loi


Un panel de 17 personnes vient de rendre son avis sur le très controversé ‘cigéo’, projet d’enfouissement des déchets radioactifs. Les galeries de Bure en tremblent encore, tandis qu’un autre coup dur est porté par l’Irsn (Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire), organisme d’Etat contrôleur de l’Andra. Et arrive un nouveau document accablant sur les données géothermiques locales. Atomisés, le sérieux et la crédibilité des promoteurs de l’enfouissement, et de ceux chargés de les superviser. Bure, une impasse qui oblige à regarder le problème autrement, avec responsabilité.
 

Le panel citoyen demande un moratoire (risques et questions non résolues) et la recherche de solutions alternatives  

Ceux qui comptaient sur les 17 de la « conférence de citoyens » pour conforter leur thèse selon laquelle l’enfouissement est « la solution de référence » (loi du 28 juin 2006) en sont, magistralement, pour leurs frais. Le rapport  rendu démontre que « la technicité des sujets n'est pas un obstacle à la compréhension par les citoyens dès lors que les explications sont données » tandis que « des citoyens formés et non déformés par les lobbys sont les meilleurs juges de l'intérêt général », suivant une singulière analyse de l’avocate et ancienne ministre Corinne Lepage. L’avis du panel de citoyens qui, fin 2013, avait été rendu sur la question de la fin de vie, avait lui aussi frappé par la pertinence de la réflexion de personnes qui, quelques semaines plus tôt, étaient ignorantes du sujet. Instructif ! Et puisque plus de 50 000 Haut-Marnais et Meusiens ont demandé, par pétition et vainement jusqu’à ce jour, à être partie prenante de la décision, à quand une telle démarche démocratique (information dense et contradictoire, puis avis) pour décider du vrai intérêt général ?
 
L’IRSN, évaluateur technique et garant de la sécurité, annonce le 1er février 2014 que le que le projet n’est pas prêt
La journée durant et à la veille de rédiger son avis, le panel a auditionné un certain nombre de personnes spécialisées, dans le but d’approfondir des points clés. Dès la première ‘table ronde’, celle qui se penchait sur les risques inhérents au projet et où intervenait également le Cedra, l’Irsn révélait que le calendrier ne pourrait être tenu, et l’Andra lui emboîtait le pas. Salle médusée, car jusqu’à présent l’Andra imperturbable assurait « la faisabilité et la sûreté du stockage profond à Bure ». Avec quitus donné en cœur par l’ensemble des organismes de contrôle, dont l’Irsn au premier chef. A Bure : des travaux engagés depuis 20 ans, ayant déjà englouti plus d’un milliard d’euros, recevant 1 milliard d’euros supplémentaires par la dernière loi de finances, faisabilité et sûreté démontrées… et patatras, Irsn et Andra d’annoncer tout penauds que non, en fait il y a encore quantité d’études à mener. « L’avis du panel met l'accent sur l'amateurisme et "l'à peu près" de ce dossier », écrit C.Lepage. En effet, et voilà qui est symptomatique de l’enfouissement, la fameuse « solution de référence » !
 
A l’encontre des informations de l’Andra, il est maintenant démontré en 2014 la présence de ressources géothermiques importantes à Bure    
Voilà plus de dix années que des spécialistes clament que le site pressenti pour y enfouir des déchets nucléaires, à Bure, est à l’aplomb d’une ressource énergétique, de la géothermie. Et une Règle fondamentale de sûreté imposait de ne pas enfouir dans ce genre de zone, nos descendants pouvant naturellement chercher à exploiter la poule aux œufs d’or, avec tous les risques qui en découleraient. Débats, expertises, contre-expertises, avaient amené l’Andra a toujours nier cette existence, tandis que son contrôleur Irsn allait dans le même sens. Las, un cabinet d’expertise mandaté par le Clis (Comité local d’information et de suivi) démontrait fin 2013 que les caractéristiques étaient probantes, que géothermie il y avait bien. Interpelé par le Cedra, l’Irsn glissait dans une longue réponse qu’en effet jusque là il n’avait fait qu’estimer certaine caractéristique. Dans ce projet d’enfouissement, promoteur (Andra) et contrôleurs (Irsn, Cne, Asn, Opecst, Hctisn…) jurent leurs grands dieux que le sous-sol de Bure est propice à l’enfouissement, alors que leurs analyses n’étaient basées que sur des « estimations » sans jamais obliger l’Andra à réaliser un ou des forages « pour savoir » vraiment !
Depuis, la journaliste J.Lindgaard a « débusqué » une pointure dans le domaine et lui a donné la parole dans un récent article. Une parole qui détonne et qui a été entendue par le panel de citoyens au cours de la séance du 1er février. Le Cedra a été destinataire du document accablant de Jacques Varet (lire ci-dessous) qui, dans ses conclusions accuse : « plutôt que de chercher à nier l’existence d’une ressource géothermique (…) mieux aurait-il valu continuer à en développer la connaissance, dans l’idée de laisser la possibilité d’en susciter l’exploitation demain. »
Ce document en dit long sur ce qui se trame à Bure, sur les méthodes utilisées pour parvenir à des fins des plus contestées, sur le degré de sérieux et de crédibilité du promoteur et de ses contrôleurs. Et, à travers ce prisme, les annonces de l’Irsn et de l’Andra (calendrier repoussé) se comprennent beaucoup mieux. Pris la main dans le sac…
 
En conséquence, en reprenant les principes édictés dans la loi de 2006, et après les avancées techniques et scientifiques près de 8 ans plus tard, et sauf à aller à l’encontre des règles démocratiques et des précautions élémentaires de sécurité, le législateur ne peut que changer la loi de 2006 ! Il faut reprendre et relancer les voies de recherches sur les alternatives, comme l’avaient préconisé les citoyens lors du débat de 2005-2006, et remettre en cause les fondamentaux du projet Cigéo. Cette loi de 2006 est une impasse après 8 ans de travaux et de mise en oeuvre !

BURE est une impasse, il devient urgent de changer la loi
STOP à l’enfouissement, cap sur des voies alternatives


« L’étude d’un site de stockage pour des déchets nucléaires est généralement considérée comme un défi scientifique et technique et l’une des tâches les plus difficiles que les hommes ont jamais essayé d’accomplir »
Dr Arjun Makhijani, coordinateur du premier rapport critique des travaux de l’Andra à Bure
« Le problème des déchets nucléaires, le plus grave problème de l’humanité »
Marcos Buser, alors président de la commission de suivi du Mont Terri (vrai) laboratoire souterrain en Suisse
  
Déchets nucléaires : si l’on avait voulu enfouir ça n’est surtout pas à BURE qu’il fallait aller, non seulement on y trouve une ressource énergétique souterraine mais encore des aquifères (dans les couches supérieures) de cette eau qui se raréfie et alors que l’Andra affirmait rechercher un site sans eau (ennemie des fûts de déchets) ! Alors, pourquoi Bure et pourquoi avoir camouflé les caractéristiques du site ?

Face à cette impasse : déchets nucléaires, pourquoi continuer à en produire ?


 


Bure géothermie
Conférence de citoyens, le 1er février 2014
Témoignage de Jacques Varet


Bonjour, mon nom est Jacques Varet. Après 10 ans dans l’enseignement supérieur et la recherche à Orsay, où nous avions créé un diplôme de géothermie lors du choc pétrolier de 1973, j’ai été invité à développer la géothermie au BRGM. Je précise que je m’exprime ici au titre de la SARL Géo2D (ressources géologiques pour le développement durable) et de l’association 4D (dossiers et débats pour le développement durable) dont je suis vice-président, et non du BRGM. (En réponse à une question, j’ai précisé que le BRGM, établissement public des sciences de la terre, était le service géologique national.)

Au titre du BRGM donc, entre 1976 et 1986, nous avions réalisé d’importants travaux de recherche et de synthèse sur les ressources géothermiques nationales et régionales – qui ont montré l’extension des ressources sous le bassin parisien notamment au sud et à l’est - et de nombreuses opérations de chauffage urbain. Pour ce faire j’ai même réussi à créer avec l’aide de l’AFME la Compagnie Française de Géothermie. Mais en 1986 la situation s’est renversée. Le prix du pétrole a considérablement baissé, retrouvant son niveau de 1972. Il est resté bas pendant 20 ans. Depuis le milieu des années 1990, les problématiques climatiques ont poussé de nombreux pays à développer à nouveau les énergies renouvelables, notamment la géothermie chez nos voisins Suisses (où plus de la moitié du neuf se fait chauffer par géothermie malgré des conditions géologiques moins bonnes que chez nous!) et Allemands (sans parler de l’Islande, de l’Indonésie ou du Kenya). La France reste à la traine.

Je dis cela pour vous montrer que l’attractivité de la géothermie est très directement dépendante de l’évolution des prix de l’énergie de référence – le pétrole – qui (comme aussi le gaz) ne cessera désormais de monter du fait de la limitation des ressources, jusqu’à disparaitre par épuisement dans moins d’un siècle. Voyez-vous, l’intérêt d’une ressource géothermique ne dépend pas seulement des qualités géologiques du site, mais pour beaucoup d’un contexte économique global et de choix politiques nationaux dont on voit bien qu’ils sont très changeant.

Un autre paramètre déterminant pour la géothermie, c’est celui de la demande. On ne développe un projet de chauffage par géothermie profonde que si la densité de la demande le justifie.

On peut même dire, compte tenu de la relative abondance de la ressource dans un bassin sédimentaire comme celui de Paris que la réalisation d’un projet est essentiellement contraint par la demande (un réseau de chaleur alimentant plusieurs milliers d’équivalents logements). Mais on sait aujourd’hui développer la géothermie à toute profondeur, comme on le fait en Suisse, en forant des échangeurs verticaux dont la profondeur est fonction de la taille du bâtiment.

Or, si l’on en vient plus précisément à notre sujet, la règle fondamentale de sureté concernant le site de stockage géologique précise qu’il s’agit « d’éviter des zones dont l’intérêt connu ou soupçonné présente un caractère exceptionnel » ; d’autres documents précisant que « les sites retenus ne devront pas présenter d’intérêt particulier » concernant la géothermie ou le stockage de chaleur.

Alors, intérêt exceptionnel ou particulier ? Il faut d’abord souligner que, dans la période où s’est développé le projet de Bure, la géothermie traversait cette « période noire », qui a fait qu’aucune attention n’a plus été portée en France à cette ressource. En outre des problèmes de réinjection avaient été rencontrés au milieu des années 1980 sur le Trias près d’Orléans, sur ce même réservoir géothermique bien développé, on le sait, dans le sud et l’est du bassin parisien. Pas étonnant dans ce contexte très défavorable que cette ressource ait été négligée en France dans cette période. Or nos voisins allemands, qui – eux - ont continué à investir dans la recherche géothermique ces dernières années, ont résolu ces problèmes et exploitent des réservoirs de ce type sur plusieurs sites.

Nos voisins sont même allés plus loin, en développant la géothermie à toute profondeur et en regardant des niveaux géologiques plus profonds (et donc plus chauds). Il s’agit en particulier de l’étage du Permien, qui, comme le Trias (et souvent en continuité avec lui) présente des séries détritiques argilo gréseuses. Les grès du Permien affleurent et sont exploités dans la région de Lodève pour du chauffage de serres, et en pilote dans le nord de l’Allemagne, où c’est la production électrique qui est visée, et même la production combinée, à partir de couches situées plusieurs milliers de mètres de profondeur. Or les données géologiques indiquent qu’un fossé Permien encore inexploré existe effectivement dans la région qui nous intéresse.

L’approfondissement du forage finalement réalisé par l’ANDRA en 2008 visait à démontrer que le site ne présentait « pas d’intérêt particulier de ce point de vue », en forant à la boue (et non à l’eau claire) et en arrêtant le forage avant d’avoir atteint le socle, alors que les niveaux plus chauds et éventuellement plus perméables peuvent être attendus dans les conglomérats de base ou même le socle altéré. Pour chercher une ressource géothermique, on s’y serait pris autrement, comme l’a bien souligné la société suisse Géowatt qui a expertisé les résultats à la demande du CLIS. Le site de Bure pourrait recéler des ressources géothermiques de même qualité (en termes de profondeur, d’épaisseur, de température, et de perméabilité du réservoir) que celles que l’on exploite en banlieue parisienne. Seule la salinité est plus élevée, mais c’est maîtrisable.

Il vous reste maintenant, en tant que citoyens, à juger par vous-même de la situation. Je crois avoir pu vous montrer que l’attractivité de la géothermie était très dépendante d’au moins 4 facteurs:

1. De la demande d’énergie en surface : quasi nulle aujourd’hui, mais que sera-t-elle demain ?

2. Des prix de l’énergie de référence : faibles au moment du projet, en augmentation inéluctable désormais, au point de bouleverser nos sociétés !

3. De l’avancement des recherches et des technologies : comme la réinjection qui posait des problèmes dans les années 80 et qui est aujourd’hui maitrisée, ou les échangeurs qu’on installe à toute profondeur;

4. De la découverte de ressources nouvelles dans des formations géologiques négligées : en effet notre connaissance des ressources géothermiques découle pour l’essentiel des travaux d’exploration pétrolière anciens et pas de recherches spécifiques comme chez nos voisins allemands ; ne viendra-t-il pas un jour où nos descendants s’en soucieront ?

La question est certes d’ordre juridique et réglementaire (les tribunaux sont saisis et en jugeront), mais aussi philosophique. Or, vous avez à juger d’un problème qui n’est pas seulement intergénérationnel, mais inter-civilisationnel.

Mon point de vue personnel – vous l’aurez compris - est que, plutôt que de chercher à nier l’existence d’une ressource géothermique, au droit de ce site où la bonne maîtrise du sous-sol constitue un paramètre essentiel, mieux aurait-il valu continuer à en développer la connaissance, dans l’idée de laisser la possibilité d’en susciter l’exploitation demain.

Mieux vaudrait prendre sérieusement en considération l’hypothèse - que je juge très probable - dans laquelle, dans quelques siècles (et même avant !), les ressources fossiles auront été totalement épuisées. Nos civilisations basées sur la pléthore d’énergies ayant été reléguées aux oubliettes, les hommes construiront alors leurs villes et leurs installations consommatrices d’énergie au droit des ressources géothermiques. Elles seules - avec les énergies renouvelables de surface – suffiront, nous le savons déjà - à répondre à leurs besoins. On ne parlera plus des pays du Golfe, si ce n’est pour leur soleil, mais de la « rift valley » africaine (le Kenya compte installer 10.000MW en géothermie d’ici 2050)

Je crains d’empiéter ici sur les questions éthiques et philosophiques que vous deviez aborder seulement en fin de journée avec des religieux. Mais – c’est sans doute une conséquence de mes propres conceptions et engagements, autant que de ma culture géologique - il nous revient de prendre nos responsabilités, pour nous-même aujourd’hui et ceux qui nous succèderont (on ne peut pas l’exclure et on peut même s’en soucier) jusque dans les prochains millénaires. Voire le million d’années puisque c’est l’échelle de temps de l’espèce humaine, qui nous a permis d’atteindre notre niveau d’intelligence actuel.

Vous ne pouvez juger de ce dossier en disant « géothermie, passons, y’a rien à voir » ! Il y a bien là un sujet à prendre en considération. Je vous remercie pour votre attention et votre clairvoyance.

 

 

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28/03/24
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