Vous avez dit Expert ?
L’ANDRA comme EDF, pour leurs travaux, sont supervisées par l’IRSN (Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire).
Dans le cadre des études de risques sismiques, on notera que l’IRSN cherche à différencier déformations sismiques et déformations liées directement ou indirectement aux anciens glaciers ayant recouvert le nord de l’Europe, jusqu’à Londres. (Non-tectonic deformations of Pleistocene sediments in the eastern Paris basin, France. Bulletin de la Societe Géologique de France, September 2007, v. 178, p. 367-381, doi : 10.2113/gssgfbull.178.5.36).
Jusque là, on ne peut qu’applaudir cette démarche pleine de sagesse. L’IRSN fait donc appel, entre autres universitaires, à une directrice honoraire de recherche du CNRS, Madame Brigitte Van-Vliet Lanoë, spécialiste européenne reconnue des troubles glaciaires de l’époque quaternaire. (Les environnements froids, Glaciaire et periglaciaire - Cours et exercices corrigés – Master, ISBN : 978-2-311-40001-4, Vuibert éditeur)
Les choses commencent alors à devenir étonnantes.
Cette honorable personne, dans une note fort savante, acceptée dans les comptes rendus de l'Académie des sciences, le 29 mai 2000 (Évolution néogène et quaternaire de la Somme, une flexuration tectonique active), nous explique avec brio que la faille de la Somme, prés d’Abbeville, joue en compression, depuis la fin du tertiaire et encore à ce jour.
La même respectueuse et savante personne indique par mail à un géologue indépendant, (*) en Août 2015, que le bassin de Paris est principalement en extension, que les failles des environs de Romilly-sur-Seine et de Soulaines ne sont que plaisanteries de potaches attardés et, qu’enfin, les déformations récentes des terrains observées aux abords de ces failles ne relèveraient que des manifestations lointaines de glaciers anciens disparus. Les explications de la maîtresse femme récusent également, sans aucun fondement, les datations scientifiques effectuées (OSL) par ce géologue. Elle refuse tout autant l’existence de faille active dans le centre du bassin de Paris…
Reste cependant que les actes du dernier colloque international de paléosismologie de Aachen, en 2013, comportent une publication relative à l’origine sismique des déformations des abords de Romilly-sur-Seine (Quaternary faulting in the central Paris basin: Evidence for coseismic rupture and liquefaction. 4th International INQUA Meeting on Paleoseismology, Active Tectonics and Archeoseismology (PATA), 9-14 October 2013, Aachen, Germany). On peut même la trouver, en libre accès, sur les archives ouvertes du CNRS. Ces déformations, dont la plus récente a moins de 13 000 ans, seraient liées à un ou plusieurs séismes de magnitude égale ou supérieure à 6.
Le site de l’école Normale Sup de Lyon tire, depuis décembre 2010, les mêmes conclusions. Et Alain Desmoulins, universitaire à Liège (Belgique), a décrit depuis longtemps, dans la vallée de la Meuse, des déformations semblable à celles proches de Romilly. Selon cet auteur belge, ces déformations sont liées à des séismes de magnitude supérieure à 5,5 (Clastic dykes in east Belgium. Evidence of upper Pleistocene strong earthquakes west of the lower Rhine rift segment. Journal of the Geological Society, London, Vol. 153, 803-810.)
Alors : querelles d’experts ou enfilage de perles ?
Ou bien notre géologue indépendant (*) perd la tête. Au quel cas, qu’il s’en aille rapidement du conseil d’administration de l’ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail).
Ou bien les glaciers quaternaires s’étendaient des Alpes et des Vosges jusqu’à Romilly-sur-Seine, disparaissant au nord. Il importe, dans ce cas, de publier bien vite.
A moins que nous soyons là dans un redoutable jeu de pocker menteur. N’oublions pas que Romilly-sur-Seine est à 16 km de la centrale EDF de Nogent sur Seine, et à 71 km des centres de stockage de déchets radioactifs de Soulaines et de Morvilliers.
Même si la période de retour de ces séismes majeurs excède les dix mille ans, ce risque est à prendre en compte. Mais l’argent qu’EDF gagnera lors de la fermeture anticipée de la centrale de Fessenheim servira peut-être à financer la sécurité anti-sismique complémentaire de la centrale de Nogent-sur-Seine.
Pierre Benoit (*)
Doctorat d’Université, expert judiciaire
Hydrogéologue
Membre correspondant de l’Académie nationale de Pharmacie
Censure, mode d’emploi.
L'article ci-dessus a été publié durant quelques heures sur le site d'un media indépendant, un peu à part... Il a été censuré. L'auteur fait cette remarque :
La censure se définit comme suit : Examen préalable fait par l'autorité compétente sur les publications, émissions et spectacles destinés au public et qui aboutit à autoriser ou interdire leur diffusion totale ou partielle.
En clair, il apparaît que l’autorité est compétente, ce qui, au final, est réconfortant.
Dans mon propos relatif à l’expert, relatif aux risques sismiques aux abords de Nogent-sur-Seine, l’autorité ne m’a nullement censurée. J’évoque là l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) tout autant que l’Université de Strasbourg, en la personne d’un de ses enseignants, géologue spécialiste de la tectonique active : « L'article est bien écrit, Van-Vliet Lanoe est certes experte sur les glaciations mais elle n'a pas compris grand chose à la tectonique active. »
Une question se pose alors à mon esprit ? Quelle est la compétence des censeurs ?
.