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Question

Quel rapport entre l’accident de Tchernobyl, les obus à l’uranium appauvri, et le CSA ?

 

Réponse:

Nous reproduisons ici un article de Michel Fernex   expliquant le mécanisme d’une particule de radionucléide, qui, poussée par le vent, arrive dans un poumon. Et, que quelque soit l'origine de cet aérosol faiblement radioactif (éclatement d’un obus, du réacteur de Tchernobyl, ou de la cheminée du CSA), l’impact est le même…

 L’ATOME CONTINUE À TUER
Par Michel Fernex, Professeur Emérite, Faculté de Médecine de Bâle, ex-membre du Comités Directeurs de TDR (Programme Spécial de Recherche pour les Maladies Tropicales), OMS.

Le “chapeau” de l’article d’Yves EGALl, en p. 23 du n° 85 de Balkans Infos, évoque l’uranium 238 (238U), un élément qui sert à fabriquer des obus antichars perforants.

Ces obus s’enflamment à l’impact, donnant naissance à des fumées noires, qui renferment des particules d’oxyde de 238U, de 0,01 à 2,0 microns de diamètre. Ces aérosols faiblement radioactifs, transportés par les vents, se retrouvent à la surface des sols, des années après les combats. Les billes céramiques d’oxyde de 238U cuites à haute température sont insolubles, et leur très petite taille leur permet d’accéder aux alvéoles pulmonaires. Elles peuvent rester dans le poumon ou être drainées vers les ganglions lymphatiques, garants de l’immunité. Certaines billes vont coloniser d’autres organes (1 ,2 ).

Retenues dans les tissus, ces billes ou «points chauds» émettent pendant des années des particules alpha, d’une masse qui correspond à celle de 7348 électrons, à la vitesse de 20.000 km/s. Elles lèsent les cellules dans une sphère tissulaire d’un rayon de 50 micron autour du point chaud, entraînant des dommages génétiques énormément plus graves, que celles causées par les rayons gamma. Cette sphère subit 5 Rem par an, soit une dose de 0,05 Sievert.

Ce point chaud émet en outre des rayonnements gamma (3 ). Bien que la radioactivité du 238U soit très faible par rapport à celle du l’235U des bombes, ou des centrales atomiques, les points chauds deviennent, avec le temps, hautement radiotoxiques, d’autant plus que l’on y retrouve parfois des impuretés provenant des usines de retraitement du combustible nucléaire, comme le 236U ou le plutonium.

Il a fallu que des dizaines de milliers de militaires américains et alliés, revenus glorieux de la brève «Tempête du désert», tombent malades quelques années après cette victoire, pour que des médecins recherchent l’étiologie de l’étrange «maladie des vétérans».

Ces soldats sélectionnés pour leur excellente santé ont deux fois plus de tumeurs malignes ou leucémies que le reste de la population, et leurs enfants présentent des malformations congénitales (4 ).

Le 2 février 2004, le Tribunal d’Edinbourg a reconnu la responsabilité des poussières inhalées de 238U chez un soldat revenu du Kosovo, qui souffre d’une tumeur maligne et dont les enfants sont malades (5 ). Jusqu’ici on n’admettait la responsabilité de l’uranium que pour les vétérans de 1991, d’Irak .

Il faut savoir que des militaires français et italiens ont procédé en 1996, à des opérations de « nettoyage de terrain », en Bosnie, (opération SALAMANDRE, pour les Français et VULCANO, pour les Italiens) en faisant exploser des mines, des grenades et/ou des obus, ramassés ça et là, en les enterrant avec des bulldozers et en faisant ensuite tout sauter à l'aide de détonateurs. ILS ASSISTAIENT A CES EXPLOSIONS, en restant suffisamment proches pour que l'un de ces militaires puisse filmer tout cela. La K7 vidéo a été visionnée par un journaliste italien de la RAI (télévision italienne) en 2003. La plupart de ces militaires que ce journaliste a voulu retrouver sont maintenant soit morts, soit gravement malades (cancers, leucémies, lymphomes, naissances d'enfant atteint de malformation congénitale).

Au congrès OMS de Kiev, en 2001, Flor-Henry, professeur de neuro-psychiatrie à l’université d’Alberta, Canada, indiquait que les atteintes neurologiques, qui sont au premier plan chez les vétérans américains, ressemblent énormément aux maladies des «liquidateurs» ou vétérans de Tchernobyl (6 ).

Ces militaires et techniciens dont l’âge moyen était de 33 ans, lors de leur engagement, ont été appelés à travailler dans un nuage de poussières radioactives
riches en plutonium, en américium et autres radionucléides. Ils devaient décaper les
sols contaminés par les retombées, et enterrer des montagnes de terre hautement radioactive dans des fosses géantes. Ils ont aussi construit le sarcophage autour de la centrale explosée.

On les désigne comme «liquidateurs», au nombre de 600.000 à 800.000, venus de diverses républiques de l’ancienne URSS (7 ).

Le ministre de la Santé d’Ukraine signalait à la conférence de l’OMS de 1995, que 10 % des 230.000 liquidateurs de son pays étaient invalides, moins de 10 ans après l’explosion de la centrale (8 ). Les neuro-psychiatres de Russie, d’Ukraine et du Belarus, indiquent qu’un tiers des liquidateurs sont invalides en 2001, les jeunes étant plus gravement affectés que les plus âgés. Ce vieillissement précoce, que les experts de radioprotection reconnaissaient autrefois, a été «oublié» par l’AIEA. De-puis six ans, la santé des liquidateurs se dégrade très vite, la maladie évolue vers la mort. Comme les vétérans des guerres où le 238U a été engagé, les liquidateurs ont aussi deux fois plus de tumeurs malignes ou de leucémies que la population. Leurs enfants sont aussi congénitalement malformés, débiles ou malades (9 , 13 ).

Flor-Henry indique que les syndromes des vétérans et ceux des liquidateurs produisent des lésions cérébrales exclusivement dans l’hémisphère gauche, pas dans le droit, chez les droitiers (6 ). Il pense que certains centres nerveux de l’hémisphère gauche sont plus sensibles aux rayonnements ionisants, ces lésions se retrouvant chez les enfants irradiés in utero à Tchernobyl. Ces travaux sont résumés dans International Journal of Radiation Medicine Vol 3, 2001.

Oser parler d’une trentaine de morts par irradiation suite à Tchernobyl constitue un affront scandaleux à l’égard des centaines de milliers de victimes des retombées radioactives de la catastrophe. Un guide montrait aux personnes invitées à visiter ce site comme un parc d'attraction, en plus de la ville morte de Pripiat et du sarcophage, les cimetières de centaines de camions, de bulldozers et d’hélicoptères géants contaminés, témoignant depuis 17 ans du travail d’éboueurs atomiques imposé à de jeunes citoyens soviétiques. Visitant une caserne du Kasakhstan, à Sémipalatinsk, l’officier qui nous conduisait a montré les noms des victimes des guerres : deux gerres mondiales, ceux de la guerre d’Afghanistan et un quatrième panneau avec des colonnes de noms. «Savez-vous ce que cela représente ?» demanda-t-il. Non ! «Ce sont les victimes de Tchernobyl, nos liquidateurs.»

Pourtant, les principales victimes de Tchernobyl restent les enfants, comme l’a montré le professeur Youri Bandajevsky, fondateur d’une Faculté de médecine à Gomel, dans la province la plus radio-contaminée au Bélarus. Il constate que l’incorporation continue de radionucléides avec les aliments contaminés, produit dans les glandes endocrines, le pancréas, le thymus et le coeur, des concentrations de 137Cs,  jusqu’à cent fois supérieure à celle d’autres organes ou tissus (14 ).

En se désintégrant dans ces organes nobles, le 137Cs émet des rayonnements béta très cytotoxiques, (à côté des rayons gamma), qui vont être à l’origine de maladies et d’un vieillissement précoce, avec hypertension artérielle chez 50 % des enfants des zones fortement contaminées, compliqués d’infarctus cardiaques et cérébraux (15 ). Les tissus lymphoïdes chargés de 137Cs, fonctionnent mal, ce qui contribue aux maladies infectieuses graves et récidivantes, aux cancers et aux maladies autoimmunes, comme le diabète grave de l’enfant et les thyroïdites autoimmunes (16 ).

Kofi Annan, secrétaire général des Nations Unies écrivait : «en vérité, cet accident continue à avoir un impact désastreux sur la population. La catastrophe sanitaire et environnementale ne fait que commencer». Il ajoute à propos des victimes que «trois millions d’enfants ont besoin d’un traitement médical, et ce ne sera pas avant 2016, au plus tôt, qu’on connaîtra le nombre véritable de ceux qui développeront des maladies graves (...) leur avenir à l’âge adulte, qui approche rapidement, a beaucoup de chances d’être dégradé voire anéanti par cet évènement (...) nombreux mourront prématurément.»

Kofi Annan aborde pour conclure le point le plus douloureux des effets sanitaires du nucléaire commercial ou militaire : l’atteinte génétique, qui s’exprimera dans les prochaines générations (17 ).

Une ONG ne devrait-elle pas éviter de désinformer les lecteurs de son journal sur des sujets aussi graves que Tchernobyl ? Pour un journal qui concerne une région où furent utilisés des projectiles à 238U dans les guerres récentes, il serait au contraire important de mieux connaître les dommages causés par les radionucléides incorporés, qui sont d’actualité.

Il est heureux que les tribunaux reconnaissent enfin le lien entre ces maladies lentement mortelles, ces tumeurs malignes et les maladies congénitales liées aux guerres avec utilisation des obus à 238U. C’est aussi la leçon de Tchernobyl.

 

Bibliographie :

(1) Laka Foundation, “Depleted Uranium. A post-war disaster for environment and health.” par F. Arbuthnot, R. Bertell, R. Bristow, P. Diehl, D. Fahey, H. Van der Keur, D. Robiceau. 1999. E-mail : laka@laka.antenna.nl 

(2) Bruno Barillot, “Uranium appauvri; un dossier explosif”. Ed. Golias, Observatoire des armes nucléaires. 69605 Villeurbanne Cédex, 2001. P; 124.

(3) Maurice-Eugène André, “Calcul de libération reçue par un point chaud dans un poumon, le cas de l’uranium appauvri”. Communication personnelle. 23 août 2003.

E-mail : mauriceandre@skynet.be.

(4) Asaf Durakovic, “Undiagnosed illnesses and radioactive warfare”. Croatian Med. J. 44

(5) 520-532, 2003, (www.cmj.hr).  Rita Hindin, World uranium weapons conference, Hamburg, 16-19 oct. 2003. E-mail :rita@schoolph.umass.ed (http//www.cadu.org.uk)

(6) P. Flor-Henry, communication personnelle, et “The influence of radiation on the left hemisphere and its relationship to the increased incidence of schizophrenia, chronic fatigue syndrome in the victims of Chernobyl”.

Intern. J. Radiation Med. 3 (1-2) p 39-40, 2001.

(7) L.A. Zhavoronkova, N.B. Kholodova & N.Y. Gitidze, “The dynamic clinical-electrophysiological assessment of the CNS state in liquidators of the Chernobyl disaster consequences”. Intern. J. Radiation Med. Vol 3 : 1-2, pp. 143-144, 2001.

(8) “Les conséquences de Tchernobyl et d’autres accidents radiologiques sur la santé”. Conférence internationale, Genève, 20-23 novembre 1995. (Les actes de ces conférences, promis pour mars 1996, ne sont pas encore publiés, début 2004. L’ancien directeur général de l’OMS a dit à la TV suisse italienne, en avril 2002, que les liens juridiques liant l’OMS à l’Agence Internationale de l’Energie Atomique (AIEA) sont la cause de la censure de cette importante publication).

(9) K.N. Loganovsky, Yu.I. Plachinda, A.J. Nyagu & K.I. Yurgev, “Quantitative electroencephalography as a method for the evaluation of the dose absorbed following total irradiation”. Internat. J. Radiation Med. Vol 3, 1-2, p 376, 2001.

(10) P. Fedirko, “Ocular radiation risk assessment in population exposed to low-dose ionising radiation”. Intern. J. Radiation Med. 3 (1-2) p 38, 2001.

(11) H.Sh. Weinberg, A. Korl. E. Nevo & al., “Increased mutation rate in offspring of the Chernobyl accident liquidators”.

Intern. J. Radiation Med. Vol 3, 1-2, p 67-70 1999.

(12) A. P. Cherchenko, Ye.A. Nagorny, & O. N. Velichko, “Functional disorders of the

central nervous system among the 1st and 2nd generation posteritiy of rats irradiated withe Cs137”. Intern. J. Radiation Med. Vol 3, 1-2, pp. 26-27, 2001.

(13) A.E. Okeanov, “Discussion of Background paper 3, pp. 278-279, Proceedings of an International Conference, one Decade after Chernobyl.

IAEA Vienna, 8-12 Avril 1996.

(14) Y.I. Bandajevsky, “Chronic Cs137 incorporation in children’s organs”, Swiss Medical Weekly, 133 : 488 - 490, 2003

(15) Y.I. Bandajevsky & G. Bandajevskaya, “Cardiomyopathies au Césium 137”,

Cardinqale (Paris), 8, 40 - 42, 2003

(16) Y.I. Bandajevsky, “Incorporated 137 Cs and pathology of the thyroid gland”, Internat. J. rad. Med., 11, 2001

(17) Kofi Annan, “Introduction au rapport de l’OCHA, 15 ans après Tcnernobyl”, Nations-Unies, Genève 2001.

 

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