30 décembre 1991
La loi du 30 décembre 1991 a précisé le cadre pour traiter les recherches sur les déchets radioactifs. Elle a en particulier défini trois voies de recherche pour ce qui concerne la gestion à long terme des déchets à haute activité et à vie longue. Les décisions du Gouvernement du 9 décembre 1998 donneront à l’Andra la responsabilité de conduire des recherches pour étudier le stockage en formations géologiques profondes, dans une logique de réversibilité (avec un volet en milieu argileux et un volet en milieu granitique).
septembre 1996
L'AEMHM, devenue aujourd'hui EODRA (Association des Elus de Lorraine et Champagne-Ardenne Opposés à l'enfouissement des Déchets RAdioactifs et favorables à un développement durable.) écrit sur son site STOP BURE : "La réversibilité n’est envisageable que pendant la période d’exploitation du stockage souterrain. A partir d’un certain moment, on voudra reboucher les galeries dans lesquelles on a mis des colis. Là, la réversibilité devient un peu plus difficile parce qu’il faudra enlever ce qu’on aura mis pour boucher les galeries. Et puis ce bouchon qu’on met participe aussi à la sécurité. Il y a un moment où, entre réversibilité et sécurité, il faudra choisir. Au tout début de la période d’exploitation du stockage, on est encore dans la phase de réversibilité, et plus on avance, plus c’est la sécurité qu’il faut jouer". Enfin, et ce sera la dernière citation à ce sujet, gardons en mémoire ce que le directeur le l’ANDRA lui-même déclarait en janvier 1988 au journal GEO: "Si on conservait un accès vers les colis, cela nuirait à la sûreté et à l’étanchéité du site".
.../... "La réversibilité apparaît comme un argument commercial, infondé d’un point de vue juridique et scientifique. Si la recherche ne progresse pas de manière fulgurante dans les années à venir, il est évident que le stockage de déchets radioactifs prendra des allures d’enfouissement définitif. Il faut souligner l’habilité des pouvoirs publics qui, enfouissant dans les failles cérébrales des populations l’espoir d’un reprise des déchets radioactifs, orientent dans leur sens les décisions que les élus locaux seront amenés à prendre. Un important effort de communication est à produire sur ce sujet délicat."
6 octobre 1997
Colloque du 6 au 8 octobre 1997 à Lucerne
Du 6 au 8 octobre 1997, sous l’égide de la NAGRA* (Suisse) et de SKB* (Suède), 32 agences ou organismes impliqués dans la gestion des déchets se sont réunis à Lucerne pour échanger leurs réflexions sur l’influence de la réversibilité en matière de concept, construction et exploitation des stockages de déchets.
L’état de la réflexion acquise à ce jour peut se résumer comme suit :
# - un constat : la réversibilité est une option envisagée dans tous les pays ayant développé un concept de stockage,
# - ?les motivations et critères sont sensiblement les mêmes dans tous les pays et sont axés autour de quatre pôles :
1 - l’amélioration de l’acceptation par le public,
2 - la réutilisation des déchets ou d’une fraction de ceux-ci,
3 - le développement de technologies nouvelles pour réduire la radiotoxicité,
4 - le libre choix des générations futures pour fermer le stockage ou retirer les déchets,
# - la durée de la réversibilité (souvent non définie) est généralement limitée ; elle est liée à la durée de l’intégrité des colis ; la phase du scellement est l’étape critique : avant scellement la réversibilité est aisée ; après scellement, les moyens techniques et financiers nécessaires sont importants,
# - au concept de réversibilité sont associées des modalités de surveillance, de démonstration de sûreté, notamment la validation, avant fermeture, de tous les modèles prédictifs,
# - un compromis semble devoir être trouvé entre l’acceptation du public, la sûreté du stockage, le coût de la phase de surveillance avant la fermeture ; il faut par ailleurs laisser aux générations futures le libre choix de décision sans leur laisser une charge importante et une responsabilité non assumée par la génération actuelle.
2 février 1998
La décision gouvernementale du 2 février 1998 et la lettre de mission des Ministres du 30 avril 1998, demandaient à la Commission Nationale d’Evaluation de poursuivre ses réflexions sur la réversibilité des stockages et sur les moyens de l’assurer.
Juin 1998
CNE - Réflexions qur la réversibilité des stockages
Dès le débat sur la loi de 1991, le souci de ne rien engager d’irréversible était apparu, ouvrant ainsi la porte à la notion de réversibilité potentielle d’un stockage et de reprise effective des colis placés dans ce stockage. Le même souci se retrouve dans le rapport de Monsieur le député Christian BATAILLE (20 décembre 1993) qui accorde de l’importance aux dispositifs de réversibilité, lesquels constituent une “ garantie autant scientifique que morale ”.
.../... La motivation première de la réversibilité émerge essentiellement du débat entre une position “ scientifique et technique ” et une position “ éthique ” et donc “ politique ”. Rien ne sera acquis concernant le destin final des déchets nucléaires tant que la conviction de la collectivité sur la qualité et la robustesse des solutions retenues ne sera pas solidement établie.
.../... Le stockage réversible devra, en tout état de cause, assurer une sûreté à long terme qui ne peut être d’un niveau moindre que celle d’un stockage irréversible. Les critères à respecter seront les mêmes : absence de dissémination des radionucléides, radioprotection, garanties contre l’intrusion humaine et la malveillance, ainsi que contre la prolifération des armes nucléaires si des quantités importantes de plutonium y étaient placées, puis confinement ultérieur le plus long possible. L’ensemble doit constituer une position équitable vis-à-vis des populations présentes et futures, et maintenir des coûts qui assurent la compétitivité de l’industrie nucléaire. Plusieurs solutions permettent souvent de satisfaire chacun de ces critères, sans que l’optimum pour un critère le soit également pour les autres. L’examen de la réversibilité d’un stockage ne peut être dissocié de considérations sur l’entreposage, ne serait-ce qu’en cas de reprise des colis. On peut alors envisager les situations suivantes qui permettent des optimisations :
- l’entreposage de longue durée en surface ou en subsurface, le plus simple, parfaitement réversible, mais se terminant nécessairement par une reprise des dépôts,
- l’entreposage géologique convertible en stockage géologique dit “ réversible ”, avec divers degrés de réversibilité, décroissant selon les barrières que l’on établit au niveau du colis de déchet, de l’alvéole, de la galerie secondaire ou principale, et finalement du puits ou de la galerie d’accès depuis l’extérieur ; à mesure que des barrières seront mises en place, la réversibilité, aisée pendant la phase de remplissage, devient un exercice de travaux publics s’il faut rouvrir des cavités remblayées et obturées. Si l’ensemble du site a été abandonné, sa reprise, plus complexe, relève de l’exploitation minière,
- le stockage géologique dit “ irréversible ” dans lequel la reprise des colis, possible même après fermeture du site, serait cependant très lourde : elle ferait alors appel à des techniques minières classiques tant que l’intégrité des colis serait préservée, et à des techniques avancées si l’intégrité des colis n’était plus assurée. A titre d’exemple d’ingénierie minière, les méthodes d’exploitation, autorisées pour le gisement canadien de Cigar Lake exceptionnellement riche en uranium, montrent que l’on peut extraire des substances hautement radioactives du sous-sol avec des techniques d’exploitation minière automatisées, même dans un milieu où le niveau de radioactivité ne permet pas l’accès direct de l’homme.
La composante économique de ces options devra être prise en compte et une estimation des coûts des différentes étapes de la réversibilité devra être établie.
.../... Le souci de laisser à ces générations le libre choix de placer les déchets en stockage définitif ou de les reprendre est associé à la volonté de ne pas reporter toute la charge du problème sur ces générations, c’est- à-dire de leur fournir une solution acceptable, s’ils n’en ont pas trouvé de meilleure, sans la leur imposer de façon définitive.
.../... Selon la parole d’un des intervenants, lors d’une audition, la réversibilité vise à éviter “ le jugement de Dieu : vous avez commis une grave erreur, et elle est irréversible ! ” ... L’expérience du stockage de surface du Centre de la Manche met également en évidence que la réversibilité n’est effectivement mise en œuvre que si elle est définie au départ, notamment dans le cas de la reprise de déchets “ hors normes ” décrits dans le rapport de la Commission TURPIN, déchets pour lesquels on a renoncé à la reprise suite à une analyse coût-bénéfice.
.../... En dernier lieu, il faut prendre garde au fait qu’en cas de changement profond dans la société, il faut éviter qu’un stockage, dont la fermeture aurait été retardée, ne constitue une source accrue de risque, pour une société qui aurait pu perdre le savoir-faire permettant d’y porter remède.
L’une des propositions émises concerne un entreposage en profondeur convertible en stockage (stockage géologique réversible) : l’architecture est celle d’un ouvrage permanent, les fermetures partielles, puis totales, interviennent après un temps suffisamment long d’observations. A tout moment, on peut interrompre le processus et reprendre les colis de manière relativement aisée. Cette approche incrémentale permet une phase probatoire pour une opération qui n’a encore jamais été faite, c’est-à-dire assure certaines garanties. Aujourd’hui, dans cette hypothèse, il est seulement nécessaire de décider les expériences à mener dans des laboratoires souterrains et d’organiser le débat pour préparer une décision difficile qui devra être prise par l’une des générations suivantes. Dans cette solution, la durée de la réversibilité, et donc le délai de décision, ne saurait se prolonger trop longtemps (tenue des colis en milieu oxydant, maintenance et surveillance prolongées, tenue mécanique des ouvrages et soutènement, exhaure, aléas politiques ou sociaux imprévisibles sur une longue période).
.../... La crainte d’une “ décision irréversible immédiate ” conduirait plutôt à consacrer plus de temps à mieux établir la qualité du site par une observation de fonctionnement sur une longue période et, ainsi, à mieux établir la crédibilité des solutions techniques retenues. Pour cela, le délai de la décision cruciale doit être assez long, mais limité à quelques décennies. Augmenter la durée de l’observation, tenir le public informé des résultats et améliorer ainsi la perception du problème, développer une approche pas à pas qui, au vu des résultats de chaque étape, peut entraîner progressivement l’acceptation sociale semble la meilleure voie. La réversibilité ainsi prolongée, même si la reprise des colis devient de moins en moins probable, permettrait néanmoins une intervention si un élément essentiel (technique ou non technique) avait été oublié.
.../... Les formations géologiques jouent alors le rôle de “ béton gratuit ”
.../... Dans tous les cas envisagés, la simulation numérique va jouer un rôle central, à cause de l’impossibilité d’expérimenter sur des périodes longues. Il conviendra donc d’accorder une attention toute particulière aux modèles, à leur domaine de validité, à leurs performances et à leur validation.
.../... La loi du 30 décembre 1991 :
La réversibilité telle qu’elle est présentée dans la loi se rapporte à ce que l’on appelle la “réversibilité de positionnement ”, c’est-à-dire à la récupération des colis pour les transférer en un autre lieu, quel que soit le motif de cette récupération. La réversibilité de positionnement se distingue de la réversibilité de conditionnement qui correspond à une reprise des colis pour modifier leur conditionnement, par exemple la reprise des déchets bitumés pour éliminer le bitume et le remplacer par une autre matrice de conditionnement. La réversibilité de conditionnement peut être une des motivations de la reprise de positionnement. D’autres raisons peuvent être imaginées bien qu’il soit difficile de prévoir à quelques dizaines d’années voire quelques siècles de distance ce qui pourrait motiver les générations suivantes de décider une récupération de déchets stockés. Quoi qu’il en soit, le principe de réversibilité apparaît comme le corollaire des droits des générations futures.
.../... On peut imaginer que des événements imprévus surviennent dans les décennies ou siècles prochains et qu’ils puissent justifier, aux yeux des générations futures la prise de décision de récupération des colis. Ces événements peuvent être des améliorations des techniques, telles que leur application puisse justifier la reprise des colis en termes d’amélioration de sûreté. Ils peuvent aussi être dus à des évènements et perturbations non prévisibles au moment de la réalisation du stockage (phénomènes naturels majeurs), ou, encore, à un intérêt très élevé pour la récupération de certains éléments contenus dans le stockage (par exemple les éléments de la mine du platine).
Donc, au cours de la phase d’exploitation et avant scellement, la Commission considère que la réversibilité est imposée par la loi et que tous les contrôles doivent être faits, par la mise en place de capteurs appropriés, de la vérification, au moins à court terme, des données du site utilisées pour la modélisation du comportement à long terme du stockage.
Les dispositions techniques qui pourraient être prises pour faciliter une reprise ultérieure des déchets ne doivent, en aucun cas, affaiblir la sûreté passive du stockage.
Après la mise en place du dernier colis, une décision prévue par la réglementation devra être prise en ce qui concerne la date et les conditions du scellement du stockage. Une période probatoire ou de réflexion pourra éventuellement être décidée, le stockage étant alors en situation d’entreposage en profondeur.
Après scellement, la Commission considère qu’on ne peut se prononcer sur la durée de la réversibilité. Cette durée dépend de plusieurs paramètres.
Le terme de réversibilité peut être respecté pendant toute la durée d’intégrité des colis qui pourraient être transférés avec la protection de l’emballage qui a servi à leur mise en place et les dispositifs de manutention associés.
.../... Par ailleurs, le principe de précaution posé par la déclaration de RIO, qui fonde la notion juridique de réversibilité et qui a été repris dans l’article 130 R du traité communautaire de Maastricht, fait son apparition en droit français avec la loi 95-101 du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l’environnement. Celle-ci en précise les contours. Les mesures de précaution (et la reprise de déchets stockés peut en faire partie) doivent être “ proportionnées ”, avoir “ un coût économiquement acceptable ” et visent à prévenir des “ dommages graves et irréversibles ”.
.../... Avec l’augmentation du risque technologique et de sa prise de conscience ainsi que de certaines pratiques des industries polluantes ou productrices de déchets, une méfiance s’est installée dans le public vis à vis des organismes en charge de ces questions, méfiance qui s’est étendue dans une certaine mesure à la technologie elle-même. Dans le domaine des déchets, divers dysfonctionnements graves observés au cours des dernières décennies (Montchanin, Love Canal), ont largement alimenté cette méfiance. Et dans le domaine plus spécifique du nucléaire, il y a l’exemple en France du Centre de Stockage en surface de la Manche (CSM) dans lequel ont été stockés “ définitivement ” des colis de déchets dépassant, pour certains d’entre eux, de plusieurs ordres de grandeur la norme relative à la concentration maximum admissible en émetteurs alpha adoptée par la suite et pour lesquels on n’envisage aucune solution de reprise (rapport TURPIN* - CSM*).
D’une attitude de méfiance, on est passé ensuite à une attitude plus positive, de nature éthique, qui consiste à poser le problème des incertitudes, jugées irréductibles et des effets à long-terme du stockage sur les générations futures. Il s’agit alors de mettre en œuvre, au nom du principe de précaution*, une réversibilité indéfinie dans le temps qui devrait laisser aux générations futures la mémoire du site de stockage et donc la possibilité d’agir, sans y être pour autant contraint. Un tel cahier des charges est évidemment redoutable, voire impossible à satisfaire, puisqu’il exige, que soient assurés, sur des durées indéfinies à la fois la réversibilité, le maintien de la mémoire et l’absence de défaillances et d’impacts sur l’homme et l’environnement. Mais il présente l’intérêt d’alimenter la pratique démocratique du débat public, en rupture avec un “ processus décisionnel linéaire* ” et fermé qui a perduré jusque dans les années 80, et par retour, d’améliorer le projet technique lui-même.
.../... La tenue mécanique des zones excavées devra être assurée. L'ouverture prolongée d'ouvrages souterrains pose le problème de l'adaptation des soutènements qui devront soit être renforcés dès la conception de l'installation pour augmenter leur durée de vie, soit surveillés en permanence et maintenus en bon état. Elle pose également le problème de la dégradation progressive du béton de la structure alvéolaire qui entraînerait des frottements et des blocages de telle sorte que les colis ne pourraient pas être retirés aisément. On devra aussi prendre en compte ces phénomènes et prévoir des techniques d'amélioration de la durabilité mécanique des matériaux. Dans le cas du stockage des déchets de haute activité, il faudra étudier dans quelle mesure une ventilation prolongée, indispensable pour évacuer une partie du flux thermique dégagé par les déchets et pour renouveler l'air respiré par le personnel, pourrait, dans une formation argileuse, conduire à une dessiccation importante de la roche et à sa fragilisation, ce qui nuirait à la sûreté à long terme du stockage géologique. Dans ce même cas, la ventilation, quelle que soit la roche hôte, prolongerait les conditions oxydantes avec les inconvénients qu’elle entraîne sur la tenue des colis.
.../... Dans l'hypothèse où un déstockage total ou partiel serait décidé par les générations futures, des scenarii devront être élaborés, tenant compte des différents états possibles de l'installation de stockage géologique.
.../... La reprise des déchets à une époque future n'est envisageable que si la société en tire un bénéfice. Ce bénéfice peut être industriel dans le cas où les produits considérés aujourd'hui comme déchets auraient acquis une valeur significative. L'opération de récupération devra alors faire l'objet d'une analyse coût-bénéfice sur le plan industriel. Un autre type de bénéfice sociétal serait lié à la sûreté à long terme du stockage : les responsables du stockage pourraient être amenés à donner aux déchets un nouveau conditionnement apparaissant plus satisfaisant en profitant du progrès scientifique. Ils pourraient également agir pour disposer de moyens d'action sur des anomalies qui seraient apparues, avec le temps, sur le comportement du stockage. Là encore, les décideurs de l'époque seront amenés à effectuer une analyse coût-bénéfice qui prendra en compte les divers aspects, sociétaux, financiers, de radioprotection, de radiotoxicité et de sûreté.
Quel que soit l'état du stockage, la récupération des déchets reste techniquement possible, même lorsque les puits d'accès et de ventilation seront fermés. Cependant, si la réversibilité peut être garantie par les moyens industriels actuels tant que la mémoire du site n'est pas perdue, il faut être conscient qu'elle devient de plus en plus difficile et coûteuse au fur et à mesure que le temps s'écoule et que le remblayage de l'installation est mis en œuvre.
.../... La palette des solutions possibles s'étend donc depuis le stockage géologique dans lequel les différentes barrières ouvragées sont dressées aussi rapidement que possible (appelé de manière inexacte irréversible, mais dans lequel la reprise des colis sera très lourde) jusqu'à un type d'ouvrage qualifié "d'entreposage profond convertible en stockage". Il s'agit alors d'un ouvrage d'isolement sûr des déchets, laissant des choix ouverts, dont l'un d'eux est une fermeture volontaire de l'installation. Ces diverses possibilités ont un coût et il est impossible de laisser les choix ouverts indéfiniment. Il y a donc nécessité d'élaborer un processus décisionnel pour définir des options et conserver la maîtrise des choix au cours du temps.
.../... Les risques du stockage profond :
- les risques vis-à-vis de la malveillance ou de la prolifération,
- les risques, en cas de sociétés devenant instables, de l'oubli d'un stockage qui n'aurait pas été fermé complètement,
- la durée d'intégrité des colis,
- la durée d'intégrité des ouvrages (alvéoles et galeries),
- les conditions de maintenance (éventuelle) des galeries et la facilité d'accès aux colis,
- la perturbation du milieu géologique qui sera d'autant plus grande que les galeries resteront ouvertes et seront ventilées plus longtemps,
- la qualité de la surveillance des colis, des ouvrages et du milieu géologique qui pourra être assurée et de son évolution en fonction du progrès scientifique,
- le coût et la sûreté, pour le personnel et l'environnement, de la mise en œuvre des techniques minières nécessaires à la reprise des colis en cas de détérioration des alvéoles, des galeries ou des colis eux-mêmes.
.../... La réversibilité nécessite, par ailleurs, de reconsidérer les barrières ouvragées soit pour s’assurer que leurs fonctions (rétention des radionucléides, environnement géochimique, protection contre les venues d’eau ...) ne seront pas altérées durant leur évolution en milieu désaturé, soit pour s’assurer de leur déconstruction. En effet, dans ces conditions les argiles n’ayant pas gonflé ne stabiliseraient pas les colis et ne rempliraient pas les vides. La reprise de colis nécessite un certain jeu fonctionnel entre les colis et les barrières ouvragées. L’acquisition des données expérimentales dans les laboratoires souterrains est donc primordiale dans ces domaines.
Concernant les moyens de manutention, la réversibilité impose, lors de la reprise, de pouvoir remettre le colis dans son château de transport pour une évacuation vers un entreposage. En raison de la fragilité éventuelle des enveloppes du colis, de nouveaux besoins de préhension et de protection, des essais de démonstration de manutention seront nécessaires. Enfin, un soin particulier à la mise en place des colis devra être assuré selon des consignes très strictes pour n’entraver en aucun cas la possibilité de reprise sélective et permettre un repérage aisé de chaque colis.
.../... Lors du choix du concept de stockage, les options retenues devront garantir la réversibilité : il s’agit principalement du conteneur et du surconteneur, du maintien du jeu fonctionnel entre les colis, du chemisage et des barrières ouvragées, de la durabilité des barrières ouvragées et ouvrages en béton, de la stabilité des soutènements et revêtements, des concepts et spécifications des moyens de manutention, et des techniques de remblaiements des galeries.
Pour la phase d’exploitation, la démonstration de réversibilité devra porter sur la mise en place des colis et leur reprise, les techniques d’intervention en milieu irradiant sur des colis présentant une certaine exothermie, les techniques particulières de déblaiement des galeries et des barrières ouvragées.
Après fermeture, il convient d’étudier les possibilités de reprise quel que soit l’état du stockage, y compris l’usage de la robotique et des techniques minières. Pour diverses phases de reprise, l’évaluation et la gestion des déchets primaires, constitués par les colis introduits dans le stockage, et secondaires, déchets induits par le relargage et la migration des radionucléides, constituent deux points essentiels de cette démonstration.
.../... L’évaluation des effluents et déchets secondaires induits par la reprise nécessite la prise en compte de plusieurs paramètres : moyens d’intervention, intégrité des colis, activité résiduelle autorisée, matériaux des colis et barrières ouvragées, tri des déchets nécessité par la multiplicité des matériaux, en particulier ceux des barrières ouvragées et éventuellement d’une fraction de la roche hôte... La destination enfin de ces déchets nécessite également de définir les principales filières d’évacuation.
L’emplacement et le statut de l’installation destinée à recevoir les déchets repris sont également deux aspects qui devront éclairer les décisions à prendre en 2006, notamment si la durée de réversibilité n’autorise pas une décroissance suffisante des émetteurs beta et gamma de durée de vie moyenne. L’étude de l’emplacement de l’entreposage des déchets en cas de reprise fera intervenir, comme le site de stockage, des études de sûreté et technico-économiques.
La remise en état et le statut de l’ancien entreposage profond est un aspect lointain, mais délicat, pour le cas de la réversibilité. Les études de remise en état du site devront figurer dans l’avant-projet d’un stockage réversible. Elles devront être chiffrées dans l’étude économique.
.../...
Evolution de la notion de réversibilité avant la promulgation de la loi
Le projet de loi n° 2049, présenté le 12 juin 1991 à la Commission de la Production et des Echanges au nom de l’Office parlementaire par le rapporteur, Monsieur le Député Christian BATAILLE, ne contenait pas, dans son article premier, de référence à la notion de réversibilité. Concernant le passage consacré dans cet article au rapport annuel de la CNE, il était écrit :
“ ce rapport fait état de l’avancement des travaux qui sont menés simultanément pour : l’étude de formations géologiques profondes notamment grâce à la réalisation de laboratoires souterrains ; ... ”
et en référence à l’enfouissement, à l’article 2, on lisait :
“ les conditions dans lesquelles sont mis en place et exploités les laboratoires souterrains destinés à étudier les formations géologiques profondes où seraient susceptibles d’être enfouis les déchets radioactifs ... ”
La notion d’enfouissement que le projet de loi “ privilégiait exagérément ” selon Monsieur le Député Yves COUSSAIN a conduit, d’une part, à la modification par amendement n° 3 de l’article 2 en remplaçant “ d’être enfouis ” par “ d’être stockés ” et, d’autre part, à une précision importante du rapporteur : “ le stockage ne peut pas être considéré comme irréversible, l’évolution des connaissances scientifiques peut dans l’avenir en modifier les données ”.
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Les discussions sur la réversibilite
Trois notions importantes sont apparues :
1 - “ne rien engager d’irréversible”
2 - le mot stockage définitif s’oppose au stockage réversible ; le stockage constitue un moyen “ peut-être provisoire d’ailleurs ”de gérer les déchets ”
3 - le stockage après 2006 nécessite une nouvelle loi qui en définira les modalités.
.../...
Opposition entre le terme réversible ou irréversible
Ces deux termes ont été introduits dans le débat dès le début (25 juin 1991) selon des approches très différentes :
- “ a-t-on le droit d’hypothéquer définitivement toute utilisation du sous-sol pour l’avenir ? ”
- “ tout stockage souterrain devrait être conçu de sorte qu’en cas de nécessité, on puisse procéder au déstockage
- “ à cette philosophie de la réversibilité s’opposent, hélas ! des objectifs de rentabilité économique ... de dégagement de responsabilité de la part des organismes stockeurs ”
- “ faute de législation, les détenteurs de polluants privilégient donc des stockages irréversibles
Au cours de la discussion du texte de la loi, certains parlementaires ont souhaité introduire un “ principe ” : celui qui privilégie ou non la réversibilité des solutions recherchées. Ils souhaitaient en conséquence élargir ce principe “à tout le domaine de la recherche y compris au problème du conditionnement qui doit aussi permettre des manipulations réversibles. En effet, nous pouvons très bien envisager que la science puisse, dans cinquante ans, améliorer un conditionnement actuel : c’est une forme de réversibilité, compte tenu de l’évolution de la solution. Or s’agissant d’une science neuve, nous ne pouvons pas exclure que des découvertes futures permettent d’améliorer des points acquis de la science, à l’heure actuelle ”.
.../... “Nous considérons que l’éthique et la morale doivent être au cœur du débat sur la gestion de ces déchets . Le problème vous est posé dans les termes suivants : qu’avons-nous le droit de laisser aux génération futures ? Faut-il faire confiance à la qualité des roches et on abandonne les déchets sans aucune possibilité pour les générations de les reprendre, ou faire confiance au progrès scientifique et laisser à nos descendants la possibilité de résoudre le problème que nous ne sommes pas en mesure de régler aujourd’hui ?
“ l’intérêt de maintenir l’accès aux déchets stockés, en vue d’un contrôle permanent et d’une reprise éventuelle, me paraît s’imposer à l’évidence au regard des générations futures ...
.../... “personne ne peut garantir qu’il n’y a pas de risques et que le sous-sol est stable ... ”Ségolène Royale
.../... “Il s’agit d’abord de la réversibilité du stockage qui m’apparaît comme une garantie autant scientifique que morale. Christian Bataille
.../...
Le thème de la réversibilité dans les dossiers déposés par l’ANDRA en 1996 :
- la réversibilité dérive du principe de précaution*, qui selon qu’il est affiché ou non, conditionne l’acceptabilité ou le rejet du projet dans son ensemble (laboratoire et stockage),
- la réversibilité est une sauvegarde contre “ l’enfouissement définitif ” qui apparaît comme discutable du point de vue de l’éthique,
- la réversibilité est une notion imprécise actuellement, ce qui amène à la qualifier d’illusoire et de techniquement non garantie,
- de nombreux élus, enfin demandent un engagement sur la réversibilité sinon point de laboratoire.
Juin 1998
Réflexions sur la réversibilité des stockages
Cliquez sur : CNE_reversibilite1998.pdf
11 juin 1998
Le CEA a mis au point des modèles mathématiques du comportement des matrices de verres en situation de dissolution. On représente la matrice saine, la zone de surface attaquée par la corrosion, la barrière de diffusion, ainsi que le site environnant. La conclusion de ces études rejoint l’appréciation intuitive que l’on peut avoir. D’une part, l’altération de la matrice dépend fortement de son environnement. D’autre part, l’interposition d’une barrière ralentit fortement voire stoppe le phénomène.
Sous réserve de vérifications expérimentales, ces modèles montrent que la durabilité d’une matrice de verre en contact direct avec une eau basique et réductrice est de 100 000 ans. La présence de la barrière ouvragée argileuse – le contenu de l’enveloppe de béton selon le schéma simplifié ci-dessus – permet de multiplier la durabilité par 100 et d’atteindre 10 millions d’années. Avec la barrière supplémentaire que constituent les couches profondes jusqu’à la surface, et que l’on peut considérer comme infinie, une durabilité de 1011 années est probable, garantissant, sauf événement accidentel ou géologique, le piégeage sur la durée requise.
Octobre 1998
9 Décembre 1998
Le 9 décembre 1998, le Gouvernement annonce par un communiqué que la politique de gestion des déchets nucléaires s’inscrit désormais clairement dans une logique de réversibilité, rappelant au passage que « la condition de l’acceptabilité des décisions tient à leur réversibilité » et qu’il est « capital que les générations futures ne soient pas liées par les décisions déjà prises et puissent changer de stratégie au vu des évolutions techniques et sociologiques intervenues ».
2 000
Page 77 - Encadré n°3 -
Extrait du rapport de la CNE «Réflexions sur la réversibilité du stockage» (p. 10)
« Aussi la première motivation de la demande de réversibilité ne pouvait-elle être que de nature conflictuelle au sein de larges secteurs de l'opinion : manque de confiance dans un système clos qui a l'apparence de la haute technicité mais dont on craint qu'in fine les solutions adoptées sur le terrain puissent être "bâclées". D'une attitude de méfiance, on est ensuite passé à une attitude plus positive, de nature éthique, qui consiste à poser le problème des incertitudes, jugées irréductibles et des effets à long terme du stockage sur les générations futures. Il s'agit alors de mettre en oeuvre, au nom du principe de précaution, une réversibilité indéfinie dans le temps qui devrait laisser aux générations futures la mémoire du site de stockage et donc la possibilité d'agir, sans y être pour autant contraint. Un tel cahier des charges est évidemment redoutable, voire impossible à satisfaire, puisqu'il exige que soient assurés, sur des durées indéfinies, à la fois la réversibilité, le maintien de la mémoire et l'absence de défaillances et d'impacts sur l'homme et l'environnement. Mais il présente l'intérêt d'alimenter la pratique démocratique du débat public, en rupture avec un "processus décisionnel linéaire" et fermé qui a perduré jusque dans les années 80, et par retour, d'améliorer le projet technique lui-même. »
11 avril 2000
Un deuxième laboratoire est-il indispensable à la recherche ? ??
Yves Le Bars.
On discute de cela. Je pense que le granite (qui doit accueillir ce deuxième laboratoire, NDLR) offre des qualités spécifiques : il résiste mieux que l'argile, la réversibilité y est meilleure, il est aussi moins coûteux en termes d'entreposages préalables... Mais nous n'avons le fétichisme d'aucune roche. La loi Bataille parle de " laboratoires " au pluriel. Sans faire une analyse juridique, je pense que c'est une indication à suivre.
.../... Dire que l'ANDRA a pu acheter des consciences autour du laboratoire de Bure relève du procès d'intention. Car il y a bien une transaction à établir entre la nation et les régions qui mettent à disposition leur richesse géologique. Il est normal que cette richesse soit rémunérée.
mai 2000
J'ai ressorti (Gazette d'avril 1991 - pas encore numérisée...) la carte de sites potentiels (1983). Elle n'a pas changé en gros mais est plus précise sur les 15 sites en prospection (en commun Huelgoat, Quintin, Neuvy-Bouin, Auriat et pour les autres granite des petits déplacements). De fait le déchet est toujours d'une actualité brûlante. La gazette écrivait cela en 91 et 9 ans plus tard, le paysage n'a pas changé. On a négligé les déchets depuis le démarrage du nucléaire et on a du mal à surmonter ce handicap. Bien sûr ce manque de transparence a permis de se retrouver avec 59 réacteurs et des déposantes un peu partout.
C'est pourquoi je suis contre les laboratoires d'une part parce qu'il y a encore beaucoup de travail avant de pouvoir qualifier un site et une(des) façon(s) de stocker mais surtout parce que les stockages en surface nous obligent à réfléchir à notre dépendance face à l'énergie. C'est la seule façon de mettre sur pied une politique alternative au nucléaire .
Pour le moment les LEMI de l'IPSN (Tournemire, Fanay Augères, Revin suffisent bien pour étudier les écoulements d'eau, l'attaque des roches, l'étaiement des galeries et la validation des modèles.
Le problème de la prospection ANDRA c'est qu'il s'agit de qualifier certes un labo mais surtout un site de stockage. Car tous les textes sont clairs et précis, on prospecte pour un site potentiel.
Or c'est plus que prématuré, il faut d'abord étudier le concept de réversibilité qui pour le moment est un leurre (bien sûr on sera réversible le temps de fonctionnement d'une galerie mais après non..). Il faut aussi maîtriser les problèmes de circulation des eaux. Il faut de plus étudier les matrices de blocage des déchets. Il faut et c'est impératif apurer le passé.
Ceci signifie qu'il ne suffit pas de dresser des inventaires, il faut résoudre les problèmes des stériles de mines, des résidus des usines d'engrais, des petits sites comme le chemin du radium à Gif, les décharges franciliennes ou dromoises où on a déversé ce qui sortait des sites d'usines.
Il faut comme le demande le rapport de l'Office conduit sous l'égide de Michèle Rivasi clarifier les rôles de chacun (CEA, COGEMA, EDF, ANDRA) et trouver une stratégie commune. Il faut aussi cesser de vivre dans le futur et résoudre les problèmes existants : tonnage, forme physico-chimique, possibilités réelles de reprise (boues de la Hague, tranchées pleine terre de Cadarache, silos irradiants de Marcoule, fûts de Saclay).
Il faut aussi revoir toute la politique de rejet. elle a clairement montré ses limites, même si le manque de suivi de la santé des populations autour des sites ne permet pas de conclure sur l'impact du nucléaire au plan radioactif et chimique. Il vaut mieux tendre vers le rejet zéro mais vers plus de déchets pour ne pas ajouter aux pollutions déjà existantes.
Le GSIEN persiste à affirmer que la seule façon de parvenir à gérer les déchets est d'arrêter d'en produire. Alors on pourra réfléchir sur le devenir de ceux qui existent et pour lesquels on n'a pas de solution pérenne hormis les entreposages qui fleurissent dans les sites CEA. Ce sont d'ailleurs de meilleures solutions que les carrières et les déposantes inconnues.
Comme conclut Action Environnement dans son mémoire sur le site de Sanvensa (Aveyron) : "La construction de laboratoire souterrain destinés à étudier la faisabilité d'un stockage de déchets radioactifs en formation géologique ne nous paraît pas prioritaire et nous semble même prématuré. Puisque le concept de réversibilité a été retenu au nom du principe de précautions, ce que nous approuvons entièrement, la priorité est l'étude de la faisabilité d'un entreposage(ou stockage) de longue durée (plusieurs centaines d'années) en surface ou subsurface pour les déchets B, les déchets C et les combustibles usés non retraités ainsi que l'élaboration d'une règle Fondamentale de sûreté sur l'entreposage de longue durée."
Il est aussi suggéré de continuer les études sur la transmutation mais le GSIEN met en garde sur cette méthode. Cette voie ne sera jamais opérationnelle industriellement. Elle peut servir pour de faibles quantités et des déchets particulièrement toxiques. Il faut trop de conditions : séparation poussée des divers éléments, possibilités de façonnage de matériaux très actifs, mise en réacteur ou placement dans un accélérateur. Il faut énormément d'énergie pour réaliser les diverses étapes. évitons, une fois de plus de jouer aux shaddocks.... La transmutation est un rêve de physicien.
Et de toute façon il ne sera pas question de transmuter les tonnes de résidus miniers ou de démantèlement. On ne transmutera pas non plus les milliers de tonnes sur tous les vieux sites. Mieux, il est préférable de stocker en l'état les combustibles pour stopper le retraitement, opération juteuse pour COGEMA mais polluante pour les populations. Alors on ne transmutera pas des combustibles usés...
Et malgré tous les efforts - inventaire, rapports - on ne connaît toujours pas les quantités existantes en ferrailles, boues, etc..
On a de belles projections sur ce qu'on saura faire un jour mais quand ? Sur ce qu'on va renvoyer chez les étrangers mais quand et comment ?
Ne rêvons pas le sujet est bien plus compliqué que ce que nous affirme ANDRA et COGEMA.
Les déchets doivent être pris en charge. L'inventaire de l'ANDRA est un bon début mais insuffisant. L'assainissement des sites CEA est indispensable mais cela ne résoud en rien les problèmes des sites orpholins ou prétendument décontaminés.
Le gouvernement a donc nommé une mission Granite mais elle me semble bien mal partie. Pourquoi? Eh bien, parce que le Gouvernement ne comprend pas qu'une concertation ce n'est pas un monologue mais une construction : on écoute, on réfléchit avec les gens et seulement à ce moment-là on construit un rapport. Si on va voir les gens en ayant déjà écrit les conclusions, ce n'est pas la peine.
Prenez l'enquête pour la Hague. Naïvement on croyait tous que COGEMA allait déposer un dossier sur les rejets. Pas du tout COGEMA a déposé un dossier pour étendre la capacité des piscines et des têtes de retraitement, changer le taux de brûlage. Enfin tout sauf les rejets.. Et alors qui a gagné dans la partie de bras de fer avec la DSIN, la COGEMA, évidemment.
Et même avec un commissaire enquêteur qui fut payé par l'ANDRA lors de l'enquête pour le site de Bure et qui à la Hague s'occupe de COGEMA et de l'ANDRA les tribunaux n'arrivent pas à lire les textes correctement. Essayez, vous pékin moyen d'enfreindre la loi et de faire un chèque en bois, vous verrez le résultat. Je ne conteste pas que c'est normal mais pourquoi ce normal ne s'applique pas à COGEMA et à tous les puissants de ce monde....
29 mars 2001
Un colloque organisé par le Clis a eu lieu vendredi dernier 29 mars 2001 (journée complète) à Bar-le-Duc, avec la participation d'une brochette de "responsables" nationaux et étrangers. Présentations et débats fort intéressant et instructifs et les quelques citoyens-résistants dans la salle ont pu dénoncer (parfois avec véhémence) un certain nombre de choses (non concertation, fausse démocratie, attitudes honteuses de certains politiques...)
Sur le fond, il se confirme qu'il n'est envisagé de réversibilité que sur une période limitée. Le point commun à toutes les approches des divers pays, sous le flou parfois entretenu du terme, est qu'à un moment donné, il faut passer à un stade où ne joue plus qu'une sécurité passive fondée sur les diverses barrières (conteneurs, barrières dites ouvragées, barrière géologoique). C'est le concept développé par la CNE d'ENTREPOSAGE <sous-entendu en profondeur d'après ce qui suit> CONVERTIBLE EN STOCKAGE PROFOND <sous-entendu irréversible par opposition à la période où l'on est encore en situation d'entreposage et où il y a donc réversibilité de la décision et récupérabilité des colis>. Le passage se fait bien sûr lorsque la décision de fermeture est prise, ce qui suppose alors un véritable scellement sans lequel il serait même a priori illusoire de vouloir faire jouer la barrière géologique comme sécurité passive. Ajoutons que l'évolution même du stockage en profondeur poussera à fermer (voir citations de la CNE en-dessous).
Dans tout cela rien de nouveau pour nous qui au contraire demandons une sécurité active fondée sur la surveillance humaine avec récupérabilité et reconditionnement possible des colis (jusqu'à ce qu'une moins mauvaise solution soit trouvée). Pour cela bien sûr il est inutile et même contre-indiqué d'aller enfouir les colis à des centaines de mètres sous terre, il suffit d'adopter une solution en subsurface restant en fait une solution en milieu ouvert, puisque les quelques dizaines de mètres entre colis et surface du sol ne prétendent pas protéger contre les colis disposés à l'intérieur, mais contre les dangers venant de l'extérieur. Le grand inconvénient que le nucléaire trouve à cette solution (qui correspond globalement à ce qui se passe pour les verres de La Hague, dans leurs alvéoles à même le sol des entrepôts car il n'est pas question d'ici Centre de Stockage de la Manche bien sûr) , cest que c'est une solution coûteuse en fonctionnement.
Comme illustration de tout ce qui est dit là, le texte du tract que nous avons distribué (il est fait uniquement de citations tirée des sources officielles (sauf pour la dernière, qui comme la présentation l'indique ne fait pas partie de ce qu'is "disent eux-mêmes".
LA REVERSIBILITE DU STOCKAGE GEOLOGIQUE, UN LEURRE : ILS LE DISENT EUX-MÊMES
La Commission Nationale d'Evaluation, rapport sur la réversibilité de juin 1998, parle (p. VIII) de "stockage en profondeur supposé réversible pendant sa phase d'exploitation (50 à 70 ans) et irréversible après sa fermeture définitive" ou (p. 12) de "stockage géologique dont la vocation est d'être fermé pour bénéficier aussi rapidement que possible des dispositions de sûreté passive qui sont mises en oeuvre dans un tel stockage".
Plein jour (Journal de l'ANDRA Antenne Haute-Marne/Meuse), n° 13 (oct. 98), nous dit: "Il ne faudrait pas diminuer la sûreté d'un éventuel stockage sous couvert de réversibilité." et ajoute, citant le même rapport de la CNE, "Dans l'hypothèse de la création d'un centre de stockage après des études favorables en laboratoires de recherche souterrains, la réversibilité durera dans tous les cas au moins 70 ans. C'est en effet le temps nécessaire à la construction du stockage et à son exploitation, note la Commission Nationale d'Evaluation"
MAIS, dit plus loin le même article de Plein Jour : "Un site de stockage entièrement réversible, autrement dit accessible en permanence, ne devra pas l'être de manière définitive. A cet égard , la commission recommande une procédure d'autorisation d'exploitation d'un éventuel stockage pour une période déterminée, éventuellement renouvelable plusieurs fois, mais en aucun cas définitive"./
"Dans cette solution, la durée de la réversibilité, et donc le délai de décision, ne saurait durer trop longtemps (tenue des colis en milieu oxydant, maintenance et surveillance prolongées, tenue mécanique des ouvrages et soutènement, exhaure, aléas politiques et sociaux imprévisibles sur une longue période)" (rapport déjà cité de la CNE, p V; cf p. VI : "le délai de la décision cruciale doit être assez long , mais limité à quelques décennies"), D'AUTANT QUE "l'ensemble doit constituer une position équitable vis-à-vis des populations présentes et futures, et maintenir des coûts qui assurent la compétitivité de l'industrie nucléaire" <autrement dit, s'il s'imposait des contraintes réelles de réversibilité, qui supposeraient d'ailleurs qu'on passe à une gestion des déchets en subsurface avec surveillance humaine et possibilité d'accessibilité permanente pour reconditionnement aussi souvent que nécessaire, le nucléaire ne serait plus rentable, NDLR>/
Le principe du "scellement", antinomique de la réversibilité, devient, dans la cas d'un stockage géologique fondé sur un principe de "sécurité passive" (on l'a vu : cadre 1), tellement impératif que la CNE doit ajouter, qu'au cas où on voudrait poser de simples capteurs pour avoir une idée de l'évolution des colis ainsi enfouis, "Il sera nécessaire de démonter que l'implantation des capteurs n'entraînera pas un risque de cheminement préférentiel pour les radionucléides ou les gaz" (p. 35)/
Yannick Barthe, chercheur au Centre de Sociologie de l'Innovation de l'Ecole Normale Supérieure des Mines de Paris, dans une audition devant la CNE, à propos de l'enfouissement : "Le principe de base de cette option est précisément l'irréversibilité du stockage" ou encore "Le stockage en profondeur doit être par définition irréversible"
Compte-rendu préfectoral de l'enregistrement des propos tenus le 15/11/99 par M. Pierret venu installer à Bar-le-Duc le Comité Local d'Information et de suivi : "Les enquêtes publiques ont cependant montré que la réversibilité était un élément décisif de la confiance des populations concernées. C'est pourquoi une irréversibilité immédiate incluant la notion d'oubli et d'abandon n'est pas acceptable aux yeux du public ... La réversibilité est donc un moyen d'établir pendant plusieurs dizaines d'années, 50 je ne sais pas, pendant plusieurs dizaines d'années, la crédibilité des solutions techniques retenues pour un stockage et d'emporter la confiance du public."
Relevé de conclusions du cabinet du Premier Ministre du 9/12/99, p. 4 :"La CNE, bien évidemment, constate que si la réversibilité est facile dans des cas d'entreposage en subsurface, la réversibilité est complexe pour les stockages profonds à cause de la triple barrière : conteneur plus barrières ouvragées plus barrières géologiques, elle est difficile voire improbable à long terme. »
LAISSONS LE MOT DE LA FIN ... A ARJUN MAKHIJANI (Physicien nucléaire directeur de l'Institut de Recherche sur l'Energie et l'Environnement, conférence de Bar-le-Duc, 27 juillet 2000).
"L'enfouissement n'est pas fiable pour piéger la radioactivité. Des essais ont déjà été réalisés aux Etats-Unis : on pensait que les déchets seraient piégés par les argiles pendant 200 000 ans... En fait, ces déchets ont migré en 20 ans dans la nappe phréatique située à 5 mètres en-dessous..."/
Puisqu'"ils" vous le disent ! Pierret a même la gentillesse de vous prévenir que tout ce baratin sur la réversibilité, c'est un question de comm(unication) purement et simplement.
30 mars 2001
COLLOQUE "LA REVERSIBILITE ET SES LIMITES"
Le Clis de Bure est l’auteur du compte rendu d’un compte rendu d'un colloque sur la réversibilité et ses limites en mars 2001.
Juin 2001
Rapport n° 7 de la CNE
VI
L’intérêt d’une co-localisation d’un site d’entreposage et d’un site de stockage devrait également être examiné, le moment venu. Il faut noter à cet égard que la mise en œuvre de la réversibilité d’un site de stockage pose la question de la disponibilité sur le site de stockage d’une capacité d’entreposage pour pouvoir y recevoir des colis qui seraient extraits du stockage.
IX
Pour la réalisation de l’ouvrage de Bure, les concepts de l’ANDRA ont commencé à évoluer. Cependant certaines des options considérées, en particulier les grandes cavernes pour les déchets B, dont le contrôle et surtout la réversibilité apparaissent peu crédibles, et les concepts de stockage des déchets C à température supérieure à 100 °C, suscitent de vives réserves de la Commission. En effet, l’augmentation de toutes les constantes de cinétique et des vitesses de transport, plus la perturbation du milieu liée au cycle évaporation-condensation de l’eau, rendent le système difficilement maîtrisable.
7.4
La réversibilité du stockage apparaît étroitement liée à la mise en œuvre du principe de précaution, et à la prise en considération des droits des générations futures.
.../…
De plus, il faut s'interroger sur la nécessité de prévoir, ou non, sur le site de stockage même ou à distance, une installation d'entreposage de capacité suffisante pour recevoir les colis de déchets qui seraient retirés du stockage en suite d'une décision de reprise. Ainsi se trouve, incidemment, posée la question de la pertinence d'une co-localisation des installations d'entreposage et de stockage, dont les fonctions sont complémentaires.
5 Juin 2001
Lettre de l'ASSOCIATION DES ELUS MEUSIENS ET HAUT-MARNAIS
Les propos de son éphémère successeur, Monsieur Roger DUMEZ, laissent songeur aujourd'hui : Extrait d'une lettre aux maires du département le 27/04/94 : " Un dernier point me parait nécessaire à préciser. Il circule actuellement des contre-vérités manifestes. Je voudrais en dénoncer au moins deux :
- contrairement à ce que répandent certains esprits mal intentionnés, le Conseil Général n'acceptera jamais d'implanter un laboratoire sur son territoire s'il n'est pas garanti que les recherches menées concernent exclusivement un stockage réversible. Pour être encore plus clair, je précise que "réversible" veut dire, pour nous, qu'à tout moment, aujourd'hui, demain ou après demain, on pourra retirer n'importe quel fût entreposé, quelle que soit la date de son entreposage. Cela doit permettre de tirer parti des perspectives qui pourraient être ouvertes par les recherches, menées parallèlement à celles du laboratoire, sur la transmutation de ces déchets.
- notre accord sur un stockage réel à l'issue des quinze ans de recherche reste bien sûr subordonné à la consultation des populations concernées. " Aujourd'hui, M DUMEZ parle de " sacrifice national " !
En Haute Marne, Monsieur Allemeersche , vice président du Conseil Général, lors de son passage à l'émission Strip-tease crie les grands dieux qu'il se ralliera à notre cause s'il s'avérait que les intentions de l'ANDRA soient bien d'implanter à BURE un centre d'Enfouissement !
ON SAIT POURTANT QUE LA REVERSIBILITE EST UN LEURRE A la question : " le stockage en structure géologique profonde est-il réversible ?", l'ANDRA répond: "Cela se décide au préalable et relève d'un choix délibéré. Il est toujours techniquement possible d'accéder aux colis de déchets pendant les premières phases d'exploitation. Toutefois, la fermeture du site, recherchée pour des raisons de sûreté, rendra de plus en plus difficile la réversibilité du stockage" (Brochure ANDRA Questions/Réponses à propos du laboratoire, décembre 1992).
Monsieur Jean Pierre OLIVIER, Chef de la division radioprotection des déchets radioactifs à l'OCDE affirme, lors d'une audition de l'ILCI , à la Préfecture de Bar-le-Duc, le 3juillet 1995, que le concept même de l'enfouissement en couche géologique profonde réside dans le principe d'irréversibilité ... et les propos du secrétaire d'Etat à l'Industrie, monsieur Christian PIERRET, à l'occasion de sa récente visite à BURE, le 8 février 2001, ne changent rien à l'affaire.
2002
AEN
La réversibilité et la récupérabilité dans la gestion des déchets radioactifs
Une réflexion à l’échelle internationale
Page 8
«La réversibilité est un argument éthique de poids, puisque l’évacuation dans des formations géologiques profondes ne doit pas nécessairement être considérée comme un processus totalement irréversible, interdisant tout changement ultérieur de politique. »
Page 41
Un consensus sur la signification et l’intérêt de la réversibilité et de la récupérabilité pourrait se dégager avec le temps. Ce document a pour objet de contribuer à ce processus. Cependant, il faut reconnaître que des problèmes comme celui-ci, qui combinent des aspects techniques, politiques et éthiques, appellent des solutions qui doivent avant tout être adaptées au concept de stockage spécifique de chaque pays et s’intégrer harmonieusement à la politique nationale.
Page 47
L’opinion collective du RWMC de 1995 faisait également remarquer que « la réversibilité est un argument éthique de poids, puisque l’évacuation dans des formations géologiques profondes ne doit pas nécessairement être considérée comme un processus totalement irréversible, interdisant tout changement ultérieur de politique. » En dehors des principes énumérés ci- dessus, les normes éthiques les plus récentes imposent de respecter, dans la planification et l’aménagement des dépôts, les besoins et aspirations des générations futures, y compris leur liberté de choix :
- Sachant que les générations futures ne doivent pas hériter d’un fardeau trop lourd, nous ne devons pas non plus indûment les empêcher d’assumer le contrôle de la gestion et donc de récupérer les déchets.
- ?Il nous incombe de transmettre aux générations futures les connaissances que nous possédons concernant les risques liés aux déchets.
- ?La procédure de stockage doit être suffisamment souple pour autoriser des choix différents.
Juin 2002
Rapport n°8 de la CNE
3.4
Enfin il paraît incontournable, comme l’a prévu l’ANDRA, de prendre en compte la probabilité de défaillance des conteneurs, vu leur nombre et les normes de fabrication industrielle, qui envisagent elles-mêmes un taux de défaillance (par exemple un pour mille dans le cas des conteneurs suédois). Il pourrait en résulter la présence de radionucléides dans le stockage à des dates voisines du présent, et la réversibilité pourrait ainsi devenir plus difficile dans certaines galeries. Comment évaluer cette situation ? Comment la présenter de manière compréhensible à l’opinion publique ?
9 décembre 2002
Colloque sur l'enfouissement dont la réversibilité à Reims
2005
14 mars 2005
Colloque sur l'enfouissement dont la réversibilité à Tours
16 mars 2005
Rapport n°205 de l'OPECST
Page 56 :
Compte tenu du rôle déterminant pour la sûreté assuré par la formation géologique profonde, une décision capitale est évidemment celle du choix de la réversibilité ou de l’irréversibilité.
Juin 2005
Rapport n°11 de la CNE
4.5
La notion de réversibilité d'un stockage profond de déchets radioactifs est directement liée au principe de précaution, c'est une nécessité de prudence par rapport à l'avenir, c'est également une preuve de modestie vis-à-vis des connaissances scientifiques et techniques d'aujourd'hui et c'est surtout un droit pour les générations futures d'avoir des possibilités de choix en fonction de l'avancement des technologies (dont la valorisation future possible des colis considérés aujourd'hui comme déchets non exploitables) ou en fonction de l'environnement sociétal, sans pour autant laisser à ces générations un fardeau sans solution ni outil de gestion. Ce contexte d'ouverture, de choix futurs possibles, impose cependant une pérennité de l'action de l'homme avec, au minimum, des activités de surveillance et de maintenance et un cadre institutionnel respecté sur le long terme. Il laisse aux prochaines générations la décision de la fermeture du stockage et des opérations afférentes.
…/…
Si la première phase de la vie du stockage (mise en place des conteneurs de colis de déchets dans les alvéoles) peut être assimilée à un entreposage, les phases suivantes, qui impliquent le remplissage et les scellements des galeries de stockage, voir ensuite des galeries de liaison elles-mêmes, devraient techniquement être aussi réversibles mais avec des moyens plus lourds qui ont été d'ores et déjà étudiés. On pourrait également utiliser les techniques minières actuelles ou perfectionnées, si ces techniques restent disponibles à cette échéance.
février 2006
Recherche et déchets nucléaires - Une réflexion interdisciplinaire par le CNRS
Page 35 :
.../... La réversibilité débouche donc inévitablement, au terme de cette période d’attente, sur un stockage définitif et irréversible, ou dont la réouverture exigerait tout au moins des travaux considérables. C’est pourquoi elle est souvent dénoncée par les opposants à l’enfouissement comme un “trompe-l’oeil”, avant tout destiné à faire accepter in fine la solution présentée à la fin des années 1980.
Page 36 :
L’entreposage en surface ou subsurface comme conception “élargie” de la réversibilité
.../... une autre conception de la réversibilité a également été mentionnée, notamment à l’occasion des discussions autour des problèmes de conditionnement et d’entreposage en surface ou subsurface des déchets nucléaires. Cette option, qui correspond à l’axe 3 de la loi de 1991, n’a pas été réellement examinée. L’entreposage jusqu’à 100 ans est considéré par les opérateurs comme une méthode d’ores et déjà maîtrisée et qui, par conséquent, ne nécessite pas d’investigations scientifiques particulières. De fait, elle apparaît comme le parent pauvre des recherches sur le devenir des déchets nucléaires.
Elle demande pourtant non seulement d’avoir un lieu adapté mais aussi de choisir ce que l’on veut entreposer et la forme sous laquelle on peut le faire pour garantir la sécurité et la possibilité de reprise. Au sein même du séminaire, de nombreuses réserves ont été exprimées à l’égard de cette solution qui ne permet pas de régler définitivement le problème ; qui a comme inconvénient d’introduire de fortes contraintes pour les générations futures en termes de surveillance ; et qui, enfin, est généralement présentée comme une solution risquée (possibilité d’attaques terroristes, d’oubli, etc.).
Certains chercheurs, notamment en sciences humaines et sociales, participant au séminaire ont cependant souligné l’intérêt qu’il y avait à examiner plus sérieusement cette option, notamment du point de vue du respect du principe de réversibilité. En effet, l’entreposage en surface ou subsurface, à la différence du stockage géologique profond, correspond à une conception “élargie” de la réversibilité qu’il n’est pas inutile d’expliciter.
Conception élargie, tout d’abord, dans la mesure où l’entreposage est par définition une solution réversible. Alors que le stockage géologique profond, avec le temps, se transforme inévitablement en solution définitive et irréversible, l’entreposage en surface ou subsurface est par essence une solution provisoire : à l’issue d’une période qui correspond à une centaine d’années environ, il devra nécessairement être renouvelé pour garantir le confinement des déchets, à défaut de s’orienter vers d’autres options.
Conception élargie, ensuite, parce que l’entreposage ne permet pas seulement de conserver en permanence la possibilité de choisir une autre option, il oblige également, dans une large mesure, à poursuivre les recherches et à trouver d’autres modes de gestion des déchets.
Autrement dit, dans le cas de l’entreposage, la reprise des déchets n’est pas une possibilité parmi d’autres, mais est jugée inévitable. La réversibilité, ici, implique donc que soient rendus possibles des choix complémentairesen termes de gestion.
Conception élargie, enfin, dans la mesure où l’entreposage signifie la “mise sur agenda” permanente du problème des déchets nucléaires, qui demeure alors un problème à instruire, à réexaminer, à discuter, etc. et qui, par conséquent, ne saurait être présenté comme définitivement “réglé”, voire oublié.
On comprend peut-être mieux, dès lors, en quoi l’entreposage peut être perçu comme une solution “menaçante” par les opérateurs du nucléaire. Dans la mesure où elle érige la réversibilité en principe absolu (et non plus relatif), cette solution revient à laisser ouvert un espace de choix possibles, voire à explorer d’autres possibles et, corrélativement, à remettre en question des choix qui vont dans le sens de la fermeture, comme la vitrification des déchets ou le stockage géologique profond. Dans ce sens, comme cela a d’ailleurs été suggéré lors du séminaire, la notion de “stockage géologique réversible” peut, en dépit des apparences, être considérée comme une façon de limiter les conséquences politiques de l’introduction du principe de réversibilité, et notamment de bloquer l’émergence d’options qui, telles que l’entreposage, paraissent davantage respecter ce principe
01 février 2006
Sur le site de dissident-media :
Tout au long des 12 étapes du débat public, les gens ont fait part de leur "circonspection vis-à-vis de la réversibilité du stockage géologique profond", tel qu'il sera expérimenté à 490 m de profondeur dans le laboratoire souterrain de Bure, dans l'est de la France, a noté M. Mercadal.
5 février 2006
Sur le site de l'ANCCLI :
La réversibilité : un trompe l’œil ?
Au fur et à mesure que s’est développé le débat autour des déchets nucléaires, le principe de réversibilité des solutions à mettre en oeuvre pour traiter le problème est progressivement devenu une référence obligée de tous les discours. Introduite par la loi de 1991 comme une possibilité parmi d’autres, la réversibilité d’un éventuel stockage est aujourd’hui présentée par la plupart des acteurs du domaine comme une exigence incontournable.
Ce changement de statut est directement lié aux revendications exprimées au cours des années 1990 par les élus et populations concernés par les recherches sur le stockage géologique, lesquelles revendications ont été abondamment relayées au niveau national par un certain nombre d’élus. Selon eux, la réversibilité est indispensable car elle doit permettre, en cas de progrès scientifique sur la séparation chimique et la transmutation, de reprendre à tout moment les déchets pour en diminuer la radiotoxicité.
En décembre 1998, le gouvernement a annoncé qu’il s’inscrivait clairement dans cette logique de réversibilité, rappelant au passage que « la condition de l’acceptabilité des décisions tient à leur réversibilité » et qu’« il est capital que les générations futures ne soient pas liées par les décisions déjà prises et puissent changer de stratégie au vu des évolutions techniques et sociologiques intervenues ».
Cependant, en dépit de l’unanimité dont semble bénéficier aujourd’hui le principe de réversibilité, un certain nombre d’ambiguïtés demeurent à son sujet. On peut, à cet égard, distinguer deux conceptions concurrentes de la réversibilité.
Le “stockage géologique réversible” ou la conception “restreinte ” de la réversibilité
Selon certains experts, le “stockage géologique réversible”, option aujourd’hui dominante, peut être considéré comme un compromis nécessaire entre les contraintes techniques et les exigences exprimées par les populations concernées par ce type d’installation.
Ce compromis apparaît également comme un exemple de ce que nous appelons une conception “restreinte” de la réversibilité.
Conception restreinte, tout d’abord, parce que la réversibilité d’un éventuel stockage géologique profond sera nécessairement limitée dans le temps. Même si des études entreprises par les opérateurs semblent indiquer la possibilité de garantir la réversibilité d’un stockage géologique profond sur plusieurs siècles, de nombreux doutes existent à ce sujet : il apparaît en effet que la reprise éventuelle des déchets sera de plus en plus délicate à entreprendre au fur et à mesure que le temps s’écoulera. Les dégradations, liées à l’évolution du milieu géologique et des colis qui y sont stockés, mais également d’autres problèmes, comme celui de l’émission d’hydrogène ou de la présence d’eau, rendent a priori difficile, voire impossible, l’application du principe de réversibilité sur le long terme.
Dans l’esprit de nombreux acteurs, la réversibilité s’applique en fait à une période restreinte dans le temps correspondant à la période dite d’“exploitation” et de surveillance du centre de stockage en profondeur, c’est-à-dire une période allant du moment où l’on stocke les premiers déchets à celui où l’on décide de fermer le stockage, après une période d’attente de probablement plusieurs centaines d’années.
Dans cette perspective, la réversibilité débouche donc inévitablement, au terme de cette période d’attente, sur un stockage définitif et irréversible, ou dont la réouverture exigerait tout au moins des travaux considérables. C’est pourquoi elle est souvent dénoncée par les opposants à l’enfouissement comme un “trompe-l’oeil”, avant tout destiné à faire accepter in fine la solution présentée à la fin des années 1980 comme inévitable, à savoir le stockage géologique irréversible.
Conception restreinte, ensuite, parce que la réversibilité d’un éventuel stockage géologique profond est essentiellement envisagée par les opérateurs dans une perspective de monitoring : il s’agit alors davantage de maintenir la possibilité d’accéder physiquement aux déchets au cas où certains problèmes viendraient à apparaître que d’envisager une reprise effective des déchets pour bénéficier, par exemple, des progrès réalisés sur d’autres voies de recherche.
En d’autres termes, la réversibilité, dans cette perspective, permet surtout d’instaurer une phase de surveillance du stockage en profondeur, avant sa fermeture définitive. Mais elle n’implique pas nécessairement de poursuivre des recherches sur d’autres modes de gestion.
Il est en effet concevable, selon cette conception, de décider d’un stockage réversible sans s’engager pour autant dans l’exploration d’autres options, ce qui reviendrait finalement à décider de manière irréversible d’un stockage provisoirement réversible. D’ailleurs, la poursuite de la vitrification comme méthode de conditionnement des déchets à haute activité et à vie longue montre clairement que c’est bien cette conception restreinte de la réversibilité qui domine chez les promoteurs du stockage géologique profond : comme mentionné supra dans la question 1, la vitrification est un procédé essentiellement irréversible, la reprise des verres en vue d’opérations de séparation et de transmutation s’avérant à ce jour, sinon impossible, du moins inintéressante du point de vue de la gestion des déchets. Dans ces conditions, la réversibilité d’un stockage géologique de déchets vitrifiés peut difficilement être présentée comme un moyen de conserver la possibilité de choisir d’autres modes de traitement pour ces résidus.
La réversibilité, suivant cette première conception, n’introduit donc qu’un simple décalage temporel dans la mise en oeuvre de la solution initialement envisagée : l’horizon du stockage géologique irréversible demeure. D’une manière générale, la réversibilité, dans cette optique, est un principe secondaire et limité. Loin de proposer un changement de priorité dans l’éventail des solutions à privilégier, elle est un moyen d’“accommoder” le stockage géologique irréversible : en inscrivant la mise en place d’un tel centre de stockage dans une temporalité plus longue, elle permet de “dédramatiser” ce type de décision et de la rendre plus acceptable.
En conclusion
La réversibilité est un principe clairement affiché et fait partie désormais des discours obligés en matière de déchets nucléaires. La remise en cause publique de ce principe peut même poser problème lors de discussions avec différents types d’acteurs impliqués dans ce domaine.
Il reste que l’idée de réversibilité demeure sur le fond difficilement compatible avec l’option de stockage géologique profond. Si beaucoup d’acteurs, notamment au sein du milieu nucléaire, acceptent l’idée de réversibilité, ils n’envisagent pas de réelles alternatives au stockage, ce qui revient à considérer la réversibilité comme une étape avant un stockage qui va devenir irréversible à terme. De là, un sentiment de “trompe-l’oeil” pour d’autres acteurs, et notamment pour les opposants à l’enfouissement, pour lesquels la réversibilité doit surtout maintenir la possibilité de reprendre les déchets lorsque l’on pourra bénéficier des progrès réalisés dans d’autres voies de recherche, comme la transmutation.
Même si des réflexions et des travaux sont engagés au sujet du “stockage géologique réversible”, une question demeure : dans quelle mesure la réversibilité, telle qu’elle est envisagée, est-elle vraiment conçue pour permettre l’examen de nouvelles options, telles qu’elles peuvent résulter du développement technique et scientifique ? Sur quelle durée un stockage géologique profond est-il capable de garantir une réversibilité au point qu’il devienne intéressant de reprendre les déchets ? L’impression dominante est que la réversibilité, chez les acteurs du domaine, ne saurait remettre en cause une solution de fait considérée comme incontournable : le stockage géologique profond.
Ainsi, l’idée de réversibilité appliquée au stockage géologique profond a pour effet d’éviter la véritable prise en compte d’une option qui, dans cette perspective, devrait pourtant normalement s’imposer : celle de l’entreposage de longue durée. Même si ce type d’entreposage fait également l’objet de travaux, ceux-ci ne sont guère visibles, ce qui, d’une certaine manière, concourt à ne pas prendre en compte l’option entreposage de longue durée au même titre que d’autres. Outre les arguments habituels en termes de sécurité, écarter l’option entreposage, pourtant envisageable d’un point de vue technique, permet également d’éviter l’ouverture d’un débat considéré a priori comme difficile : peut-on, en matière de gestion des déchets, faire confiance à la société ? Cette question, si elle est véritablement instruite, conduit à s’interroger sur les modalités sociales et politiques permettant, dans un cadre démocratique, l’organisation de cette prise en charge (avec les éventuelles redéfinitions de responsabilité que cela peut provoquer).
nov 2006
Dans les cahiers de Global Chance :
La réversibilité
« Alibi imposé par les politiques aux techniciens » aux yeux des habitants, la réversibilité est apparue, dans les réunions locales, comme un critère majeur qui commande l'acceptabilité. À Lyon : «la réversibilité fait partie du principe de précaution». Elle constitue le seul paramètre qui puisse concilier l'éthique avec la transmission aux générations futures de déchets à vie longue.
«La fermeture du stockage par étapes sur 200 à 300 ans » décrite par l'Andra est-elle une réversibilité réel- le ou une réponse « pour faire plaisir aux politiques » ? Les déclarations des scientifiques, l'histoire de la for- mation du consensus sur le stockage géologique dans la communauté scientifique internationale, peut-être la difficulté à comprendre ce qu'est réellement la « fermeture par étapes», l'impossibilité de mesurer l'évo- lution des colis stockés, ont certainement laissé un doute sur la réponse à cette question.
Face à ce doute, l'entreposage « a été remis en selle », comme l'étalon de la réversibilité. La surveillance des colis y est possible, comme leur reprise en cas de défectuosité. Cela a conduit certains à proposer de passer de l'entreposage de longue durée à l'entreposage pérennisé.
En faveur de ce dernier : il oblige la société à garder les yeux ouverts sur les déchets et elle lui en donne les moyens; il évite qu'une génération future soit surprise par les effets d'un phénomène inattendu qui se produirait dans les couches géologiques non surveillées.
Puisqu’on a dix à quinze ans devant soi, l'accord s'est fait pour «avancer sans brûler les étapes, évaluer, savoir et pouvoir s'arrêter ». Mais deux stratégies distinctes sont apparues pour le faire :
- La première basée sur une éthique de l'action ne retient que la solution du stockage géologique, dite solution de référence. En faveur de cette stratégie : elle ne peut être confondue avec la seule poursuite des recherches, qui risquerait de nourrir la critique d'une absence de solution possible; elle met les déchets à l'abri des vicissitudes de la société qui n'a plus à s'en occuper au-delà de la fermeture, et dans une certaine mesure, pendant la période d'exploita- tion. Elle est celle de ceux qui ne peuvent concevoir que la société soit capable de s'occuper avec constance durant des siècles d'un entreposage.
- La seconde basée sur le principe de précaution fait avancer en parallèle les essais complémentaires sur le laboratoire de stockage géologique et l'expéri- mentation d'un prototype d'entreposage pérennisé sur un site à définir. Elle place la décision à l'horizon 2020. Elle est celle de ceux qui pensent que l'appro- fondissement des deux solutions pendant quinze ans doit permettre de décanter l'analyse éthique de cette question et de faire progresser l'ingénierie de la réversibilité, y compris dans le stockage.
17 septembre 2007
Colloque sur l'enfouissement dont la réversibilité à Tours.
2 octobre 2008
Réversibilité et sciences sociales
Actes de la Journée d’études du 2 octobre 2008
2009
Etape 2009
Stockage réversible profond
L'ANDRA en donne deux versions : version 1 - version 2
2009
La documentarisation participative au service de la réversibilité !
05 mars 2009
L’ANDRA, LA TRANSPARENCE ET LA DEMOCRATIE
Réversibilité
L’assurance d’une réversibilité du « stockage » a été exigée au début par de nombreux élus, sans réponse vraiment négative de l’ANDRA, avant choix du site, comme condition d’acceptation d’un « laboratoire » à Bure, mais ce dernier s’est révélé n’être qu’un cheval de Troie. Un stockage n’est techniquement possible qu’en surface ou en sub-surface et déjà sur le moyen terme, il est beaucoup plus coûteux (surveillance, entretien,…) ; en profondeur il n’existera que des enfouissements [Voir MOUROT 1997, ainsi que GODINOT (30-08-2005)]. Le dossier Argile 2005 de l’ANDRA décrit le mode de « stockage » des colis de déchets « B » à évents encore tièdes et dégagements gazeux à la fois toxiques (tritium), voire explosifs dans le milieu confiné des alvéoles (hydrogène). La taille et le poids des colis, leur manutention (robots), la précision du stockage dans les épis et la nécessité d’un scellement immédiat, excluent toute réversibilité et d’ailleurs, pourquoi « stocker » si profond, comme le faisait observer Mourot, plutôt que de laisser les colis en sub-surface ? L’enfouissement a lieu dans la zone abîmée de l’encaissant (de plus en plus abîmée avec le temps, voir déjà tunnel de Tournemire créé il y a un siècle), donc beaucoup plus perméable et contaminant, avec effet boomerang possible vers les puits ou descenderies, contamination rapide des nappes sur le court terme, voire explosion souterraine. Devant ces types de dommages, un stockage en sub-surface est contrôlable, mais un enfouissement ne l’est plus. Il est clair qu’un exploitant du site va jouer son va-tout, en espérant un répit sans accident pendant quelques dizaines ou centaines d’années selon la dépense et le soin apportés au conditionnement des déchets ; mais le principe de précaution, vu l’absence de réversibilité, est totalement délaissé.
17 juin 2009
Colloque interdisciplinaire sur la réversibilité Nancy, le 17 juin 2009
octobre 2009
Sur le site de l'ANCCLI :
Le stockage réversible profond
8 octobre 2009
La CNE explique au HCTISN ce qu'est la réversibilité. page 87 de ce document de l'ANDRA.
Je terminerai par un rappel des trois idées auxquelles la CNE est, à ce stade, attachée.
La 1ère est qu’un stockage réversible doit néanmoins être conçu pour être fermé à terme.
La 2ème est qu’en cas de conflit entre les objectifs, il faut toujours donner à la sûreté le dernier mot.
La 3ème est que la réversibilité est faite pour assurer une démonstration de la qualité et de la robustesse des choix effectués, afin d’en tenir le public informé et capable d’influer sur les choix à effectuer.
26 octobre 2009
Les formes d’argumentation autour de la réversibilité dans la politique des déchets nucléaires en France
Pierrick Cézanne-Bert et Francis Chateauraynaud
fin 2009
Un document de synthèse sur les "options de réversibilité du stockage en formation géologique profonde".
fin 2009
Rendre gouvernables les déchets radioactifs.
Le stockage profond à l'épreuve de la réversibilité.
La réversibilité terrestre / l’irréversibilité marine
La question de la réversibilité dans le domaine de la gestion des déchets radioactifs remonte aux années 1950 à 1970. Les experts ont eu à comparer l’immersion en mer et le stockage à terre (Barthe, 2006). Le caractère irréversible de l’immersion a peut-être contribué à faire progressivement préférer le stockage : confiner des déchets à un endroit accessible à l’homme préserve une certaine réversibilité.
La demande sociopolitique de réversibilité s’est progressivement concrétisée dans le cadre du processus d’études et de recherches mis en place par la loi n° 91-1381 du 30 décembre 1991, qui envisage « l’étude des possibilités de stockage réversible ou irréversible dans les formations géologiques profondes » pour les déchets HA et MA-VL2.
En 2005 la faisabilité d’un stockage réversible profond dans une formation argileuse est démontrée par l’Andra.
La loi du 28 juin 2006 prévoit des recherches sur le stockage réversible. Une nouvelle loi devra fixer les conditions de la réversibilité. L’Andra doit ainsi concevoir un centre de stockage réversible avant qu’une nouvelle loi ne décide des conditions précises de réversibilité de ce centre.
La définition adoptée par l’Andra porte sur la possibilité d’un pilotage progressif et évolutif du processus de stockage, laissant aux générations à venir une liberté de décision sur son déroulement. Si la réversibilité est étroitement liée à la capacité de récupérer les colis stockés, l’approche de l’Andra concerne surtout la capacité d’intervention sur le processus de stockage lui-même. Après les décisions de créer puis de mettre le centre en service, elle consiste à ouvrir la possibilité de plusieurs choix de gestion durant les étapes intermédiaires de son exploitation : poursuivre le stockage selon le schéma prédéfini, se donner les moyens d’une réévaluation, faire évoluer le stockage ou encore inverser le processus, jusqu’à récupérer les colis stockés.
Enfin, elle offre la possibilité de faire évoluer la conception du stockage au fur et à mesure de sa mise en œuvre, en fonction des avancées de la recherche, du retour d’expérience et des progrès techniques. Par ailleurs, l’observation et la surveillance du stockage apportent des éléments sur le fonctionnement de l’installation et sur sa conformité aux prévisions, de manière à pouvoir réexaminer périodiquement les modalités de réversibilité.
En général, fort de sa conviction en la sûreté du stockage géologique, l’ingénieur ou le scientifique du domaine ne tend pas naturellement à promouvoir la réversibilité ; au contraire, il perçoit souvent celle-ci comme l’amenant vers une complexification injustifiée, comme exprimant un doute contestable vis-à-vis du stockage géologique, voire comme antinomique à ce concept. L’appropriation de la réversibilité par l’Andra passe par le constat qu’elle ne résulte pas directement d’un besoin technique ou scientifique, mais d’une demande sociale et d’un choix politique qui s’imposent à l’ingénieur et au scientifique.
La loi n° 91-1381 du 30 décembre 1991, comme évoqué précédemment, introduit la notion de réversibilité en parallèle à celle d’irréversibilité (« l’étude des possibilités de stockage réversible ou irréversible dans les formations géologiques profondes »). Bien que cette loi interdise de manière générale tout stockage souterrain irréversible de déchets (le titulaire d’une autorisation administrative doit retirer les déchets stockés au terme de l’autorisation, sauf si une nouvelle loi décide du contraire), la notion apparaît imprécise pour les déchets radioactifs : s’agit-il d’étudier deux conceptions différentes du stockage, ou de considérer de manière séquentielle que le stockage soit d’abord réversible, puis devienne irréversible une fois fermé ?
Durant la recherche d’un site pour le Laboratoire souterrain, à partir de 1992, les parties prenantes locales consultées par Monsieur Christian Bataille - rapporteur de la loi de 1991 et médiateur - manifestent leur intérêt pour l’étude du stockage réversible. En 1997, lors des enquêtes publiques en vue de la création du Laboratoire, l’Andra relève par elle-même cet intérêt. La réversibilité devient alors progressivement un enjeu majeur.
L’année 1998, au terme de laquelle l’Andra est autorisée à installer le Laboratoire de Meuse/Haute-Marne, apporte un nouvel éclairage sur la réversibilité. À la demande du Gouvernement, la Commission nationale d’évaluation (CNE) remet en juin 1998 un rapport sur la réversibilité, après avoir auditionné sur ce thème divers acteurs dont l’Andra. Pour la CNE, la réversibilité du stockage comprend « l’ensemble des mesures techniques et administratives permettant de pouvoir, si on le désire, reprendre la matière considérée comme déchet de façon sûre, avec un avantage net pour la société ». D’un point de vue technique, la CNE considère que l’analyse de la réversibilité d’un stockage ne peut être dissociée de considérations sur l’entreposage, et elle propose d’envisager trois situations principales :
(i) - l’entreposage de longue durée en surface ou en subsurface, le plus simple, parfaitement réversible, mais se terminant nécessairement par une reprise des dépôts ;
(ii) - l’entreposage géologique convertible en stockage géologique dit « réversible », avec divers niveaux de réversibilité, décroissante selon les barrières établies ;
(iii) - le stockage géologique dit « irréversible » dans lequel la reprise des colis, pos- sible même après la fermeture du site, serait cependant très lourde.
Par ailleurs, l’Andra organise un atelier international sur la réversibilité en novembre 1998. Elle y expose son approche technique nouvelle de la réversibilité, qui est plus large que la seule notion de récupérabilité des colis de déchets :
· une gestion du stockage par phases successives, chaque phase donnant lieu à des prises de décisions ;
. un niveau de réversibilité décroissant progressivement avec le passage d’une phase à l’autre (les niveaux sont dénommés « réversibilité initiale », « transitoire », « possible ») ;
. des options initiales de conception choisies pour favoriser la flexibilité de gestion par étapes et la récupération éventuelle des colis (modularité, maintien des jeux fonctionnels de manutention des colis stockés...) ;
· un objectif identifié pour les études à mener : évaluer quelle est la durée de chaque niveau de réversibilité, en particulier la « réversibilité initiale ».
Enfin, en décembre 1998, le Gouvernement décide d’inscrire les études de stockage dans la « logique de réversibilité ». Une ambiguïté est alors levée : le stockage que doit étudier l’Andra sera réversible, au moins dans une première période.
L’Andra précise son approche dans son dossier d’étape remis en 2001
En mars 2001, le Comité local d’information et de suivi du Laboratoire souterrain (CLIS) organise un colloque sur la réversibilité et ses limites.
Au plan international, un groupe de travail mis en place sous l’égide de l’Agence de l’énergie nucléaire (AEN) de l’Organisation de coopération et de développement éco- nomiques (OCDE), et auquel participe l’Andra, établit une distinction entre « récupé- rabilité » (retrievability) et « réversibilité » (reversibility)5 : la réversibilité correspond à la « possibilité de revenir sur une ou plusieurs étapes de la planification ou de l’aménage- ment d’un stockage géologique définitif, à quelque stade que ce soit ». Il s’agit bien de la réversibilité des décisions dans les programmes de stockage définitif des déchets. Elle a donc un champ d’action plus large que la stricte récupérabilité, laquelle exprime « la possibilité d’inverser l’action de mise en place des déchets proprement dite »6.
Les experts du groupe de travail de l’AEN insistent fortement sur le fait que la sûreté et la sécurité d’un stockage en exploitation et à long terme ne doivent pas être compromises par des dispositions de conception ou de gestion destinées à faciliter la récupérabilité des déchets.
L’approche de l’Andra s’inscrit dans ces considérations internationales qu’elle a contribué à élaborer et définit alors la réversibilité comme la possibilité d’un pilotage progressif et évolutif du processus de stockage, laissant aux générations à venir une liberté de décision sur ce processus.
Sur cette base, l’Andra développe pour le Dossier 2005 sa traduction de la réversibilité au plan scientifique et technique, avec :
- des solutions techniques innovantes, pour l’élaboration desquelles la réversibilité a constitué un facteur de créativité (Andra, 2005b) ;
- une « analyse » détaillée de la réversibilité offerte par ces solutions techniques, consistant à évaluer, pour chaque étape du stockage :
# - la capacité d’action sur la poursuite du processus,
# - la capacité de retrait des colis,
# - la capacité de faire évoluer la conception,
et concluant à une durée possible de réversibilité de 200 à 300 ans (Andra, 2005c) ;
- la conception d’un programme d’observation du stockage, l’analyse des motivations possibles de la réversibilité ayant augmenté la conviction de l’Andra qu’il s’agit d’une composante essentielle de la réversibilité ; l’Andra introduit notamment le principe d’ouvrages « témoins », faisant l’objet d’une instrumentation détaillée (Andra, 2005d).
Le Dossier 2005 remis par l’Andra a fait l’objet de plusieurs évaluations scientifiques. La revue du dossier par un groupe d’experts internationaux sous l’égide de l’AEN, à la demande du Gouvernement, conclut que le dossier présente une approche viable de la réversibilité, sans compromis vis-à-vis de la sûreté opérationnelle ou à long terme. Tout en reconnaissant que l’exigence de récupérabilité des colis existe dans d’autres pays et peut être satisfaite par d’autres concepts que ceux développés par l’Andra, le groupe d’experts internationaux relève que les concepts Andra sont davantage orientés vers la réversibilité que les autres sur des échelles de temps relativement longues. Il relève cependant des inconvénients, qui ne sont pas jugés rédhibitoires, à la réfé- rence faite à une période de 200 à 300 ans. La CNE indique, entre autres, la néces- sité d’accroître la crédibilité de la notion de réversibilité. De son côté, l’Autorité de sûreté nucléaire ne considère pas que la possibilité de reprendre aisément les colis de déchets est acquise pour la période de deux à trois siècles affichée par l’Andra ; elle indique que si une phase de réversibilité est retenue, l’Andra devra confirmer la possibilité de la reprise de colis de déchets durant cette phase tout en respectant les objectifs de sûreté et de radioprotection.
Sur ces bases, la loi de programme n° 2006-739 du 28 juin 2006 fait du stockage l’option de référence pour la gestion à long terme des déchets et impose de concevoir le stockage géologique profond dans le respect du principe de réversibilité.
Pour ce faire, parallèlement aux travaux scientifiques et techniques, l’Andra cherche à développer le dialogue entre les parties prenantes, dans le cadre d’une démarche structurée d’information et de consultation8, dans des échanges poussés à l’inter- national, et par l’intégration de sciences humaines et sociales dans son programme scientifique. La dernière s’est matérialisée notamment dans les deux rencontres scientifiques qui ont préparé la réalisation de cet ouvrage : une journée d’études en octobre 2008 (Andra, 2009b) et un colloque interdisciplinaire en juin 2009 (Andra, 2009c). D’autres échanges ont servi également à asseoir l’approche de la réversibilité de l’Andra durant la période d’après la loi 2006.
L’Andra a présenté son approche de la réversibilité à l’Office parlementaire d’éva- luation des choix scientifiques et technologiques, à la CNE et à l’Autorité de sûreté nucléaire. Elle a été présentée également lors d’une réunion d’échanges organisée par le Haut Comité pour la transparence et l’information sur la sécurité nucléaire, en présence de représentants de la CNE et de l’Ancli (Association nationale des commissions locales d’information des activités nucléaires), en octobre 2009.
Au niveau local, l’Andra a engagé des discussions avec le Clis du laboratoire de Meuse/ Haute-Marne, et notamment avec sa commission thématique dédiée à la réversibi- lité9. L’Andra est également intervenue dans la session de la réunion du Forum on Stakeholder Confidence (FSC) dédiée au sujet, qui s’est tenue à Bar-le-Duc en avril 2009.
Enfin, plusieurs échanges sur la réversibilité ont eu lieu à l’échelle l’internationale, en particulier au sein du groupe de travail « Reversibility and Retrievability » mis en place par l’Agence pour l’énergie nucléaire de l’OCDE à l’initiative de l’Andra. Dans ce cadre, une conférence internationale est prévue à Reims du 15 au 17 décembre 2010.
La loi de programme n° 2006-739 du 28 juin 2006 place également l’entreposage, dont les études et la coordination avec le stockage ont été confiées à l’Andra, dans une position de complémentarité avec le stockage10. Des options techniques d’entreposage innovantes sont ainsi étudiées par l’Andra pour leur permettre de contribuer à la réversibilité du stockage. Mais, à long terme, l’entreposage ne peut pas se substituer au stockage. Vis-à-vis de la sûreté, l’originalité du concept de stockage est de pouvoir, à terme, assurer de manière totalement passive, sans intervention de l’homme, la protection des personnes et de l’environnement.
La loi n° 2006-739 du 28 juin 2006 prévoit en tout état de cause une réversibilité d’au moins 100 ans. Durant cette période, la protection des opérateurs, du public et de l’environnement mobilise des systèmes actifs à surveiller et à maintenir. Cela impli- que de pouvoir transmettre entre générations successives des connaissances sur la conception, le fonctionnement, la maintenance et le comportement de l’installation. Le maintien des systèmes actifs (comme la ventilation) a toutefois des limites dans le temps du fait du vieillissement possible de certaines structures. Cela se traduira éventuellement par des restrictions sur la durée pendant laquelle la fermeture pourra être différée, particulièrement celle des alvéoles de stockage. De telles restrictions seront déterminées lors des réexamens de sûreté.
La réversibilité implique aussi la possibilité de décider de retirer les colis. Les risques liés aux opérations de reprise des colis doivent être évalués et réduits. Il s’agit de la même démarche de sûreté que pour les opérations de mise en place des colis : la conception d’un stockage réversible comprend donc aussi l’étude des mesures de prévention des risques lors du retrait des colis, des actions de surveillance associées à cette reprise, des limitations des effets d’incidents de retrait de colis et des possibi- lités d’intervention. Cela conduit à assurer la protection des opérateurs et du public lors de la reprise avec des objectifs similaires à ceux de la mise en stockage. L’état des colis et des structures au moment de l’opération de récupération devront aussi être pris en compte.
Comme cela a été indiqué plus haut, le stockage est conçu pour pouvoir être fermé et rester sûr après sa fermeture. Les fonctions de sûreté requises après la fermeture du stockage reposent sur des dispositions totalement passives : le stockage ne requiert ni maintenance ni intervention humaine pour jouer son rôle de protection à long terme. Les options techniques et les actions liées à la réversibilité ne devront donc pas dégrader ces fonctions de sûreté à long terme.
La réversibilité est ainsi encadrée par les exigences de sûreté :
- au regard de la sûreté en exploitation, chaque réexamen de sûreté conduira à réévaluer la flexibilité dont on dispose dans le temps, et les modalités de fermeture ;
- le franchissement des étapes du stockage et l’évolution des colis et des structures modifieront dans le temps les modalités de récupération des colis ;
- les exigences de sûreté à long terme limitent la liberté du concepteur dans la recherche de solutions techniques réversibles.
Montrer et démontrer la réversibilité
La démonstration scientifique et technique de la réversibilité
Les études et les recherches mises en œuvre en lien avec la réversibilité comprennent notamment la description et l’analyse phénoménologique de l’évolution du stockage, les études et les essais de procédés de retrait des colis, le développement de moyens d’observation-surveillance pour le stockage.
La trajectoire argumentative de la réversibilité dans la gestion des déchets radioactifs
Pierrick Cézanne-Bert, Francis Chateauraynaud
Lors de la formalisation du projet de stockage profond, introduit dans la loi de décembre 1991 (dite loi Bataille)3, et pour lequel a été créé le Laboratoire souterrain à Bure, entre la Meuse et la Haute-Marne, le législateur a avancé l’idée de réversibilité, présente dans l’expression « stockage réversible ». Du même coup, cette idée de réversibilité a fait l’objet de nombreuses discussions, allant de tentatives pour la distinguer techniquement de celle de « récupérabilité » des déchets jusqu’à des charges critiques dénonçant une opération de communication animée par une fonction d’« acceptabilité sociale ».
Pour le sens commun, le premier usage de la notion de réversibilité renvoie d’abord à la possibilité d’inverser le cours d’un processus : la réversibilité est le caractère de ce qui est réversible, c’est-à-dire de ce qui peut s’exercer ou se produire de nouveau en sens inverse. Il est ainsi courant de considérer qu’un mouvement est réversible dès lors qu’il est possible d’effectuer la trajectoire parcourue dans le sens inverse, alors que le temps est par essence irréversible, dès lors qu’il est admis qu’il ne nous est jamais donné de revivre le moment déjà vécu. Dans le cadre d’une controverse sur une décision publique, la notion de réversibilité pointe la possibilité de poursuivre une discussion sans devoir considérer que les choses sont « déjà décidées », « accomplies », « pliées », « entérinées », qu’« il n’est plus possible de revenir dessus ».
L’extrait ci-dessous d’un communiqué de l’Association des élus meusiens opposés à l’implantation du laboratoire en vue de l’enfouissement des déchets nucléaires et favorables à un développement durable (AEM)11, ironisant sur la décision interministérielle du 9 décembre 1998, en est l’illustration :
« Un stockage “définitif avec réversibilité”, nous dit le communiqué du Gouvernement. Cela prêterait à sourire si la décision qui vient d’être prise n’était pas si grave. »
La réversibilité est d’abord une notion... à définir
La réversibilité est d’abord pour les auteurs-acteurs une idée (« notion », « concept », « terme » ou « idée de réversibilité »). Or, si le terme de « notion » peut avoir pour synonyme « idée », ou encore « concept », dans son usage le plus courant il signifie « connaissance intuitive ». Ceci souligne l’une des propriétés du corpus : les auteurs-acteurs mobilisent l’entité réversibilité le plus souvent sans la définir précisément, supposant une compréhension intuitive du terme par leurs interlocuteurs. C’est un point régulièrement mis en exergue par les auteurs du corpus : la loi Bataille, qui a introduit le terme, n’a cependant pas donné de définition à la notion ; c’est l’Andra qui va faire ce travail, notamment sur un plan technique, la CNE (ou encore l’AEN) élargissant la notion au processus décisionnel. En 1992, dans une note technique analysant les documents réglementaires à propos de la réversibilité dans le stockage profond, un ingénieur de l’Andra remarque :
« La notion de réversibilité n’est pas définie explicitement dans le texte de la loi ; celle-ci se borne à déclarer que les produits dangereux doivent être retirés à l’expiration de l’autorisation. ».
Il existe différents niveaux de réversibilité
La deuxième expression du corpus est « niveau(x) de réversibilité ». Nous retrouvons cette idée d’une gradation de la réversibilité lorsque les auteurs du corpus parlent d’échelle ou encore de degré de réversibilité. L’Andra est le principal acteur à utiliser l’expression « niveau(x) de réversibilité » ; les autres auteurs sont la CNE, le Clis de Bure et les Commissions locales d’information (Cli). Elle est employée lors du colloque « La réversibilité et ses limites » organisé par le Clis de Bure en mars 2001, par exemple au cours de l’intervention de François Jacq, alors directeur général de l’Andra :
« Se pose tout d’abord la question de la réversibilité du point de vue de la durée et des degrés ou niveaux de réversibilité (...) Pour être extrêmement schématique, on pourrait dire que le tout premier niveau de réversibilité, c’est un entreposage, et le dernier niveau, cela serait, même si lui-même peut rester réversible, la fermeture d’un éventuel stockage. »
Le principe de réversibilité s’impose comme une norme
Dans notre tableau /ENTITÉ de réversibilité, « principe de réversibilité » est la 4e expression du corpus en nombre d’occurrences. Cette portée normative de la notion de réversibilité se retrouve dans des expressions comme « éthique » ou « valeur de réversibilité ».
L’expression est la plus abondamment citée dans une étude juridique sur le principe de réversibilité du stockage des déchets14 réalisée pour l’Andra en juin 1998, dont nous reproduisons un large extrait ci-dessous :
« D’autre part, le principe de l’étude de la réversibilité des déchets s’impose à l’exploitant d’une installation d’élimination de déchets par stockage. En d’autres termes, l’application du principe de réversibilité tend aujourd’hui à assurer que toute nouvelle installation d’élimination de déchets y compris radioactifs et sous réserve des dispositions spéciales qui leur sont applicables, réponde à des normes de réversibilité garantissant que, dès lors qu’elle serait décidée, la valorisation des déchets sera menée à bien. De surcroît, à compter du 1er juillet 2002, le principe de réversibilité garantira que tous les déchets stockés pourront être valorisés, dès lors que des techniques appropriées seront disponibles. Une telle application du principe pour le stockage des déchets radioactifs ne pourra donc être exclue.
En l’état actuel de la législation, l’exploitant d’une installation de stockage se trouve donc dans l’obligation de montrer que les conditions de stockage retenues permettent d’assurer l’application effective du principe de réversibilité. Par voie de conséquence, l’exploitant doit démontrer que le traitement envisagé s’apparente à un entreposage plutôt qu’à un stockage brut des déchets. On doit également considérer qu’il faut, à tout le moins, établir un argumentaire justifiant, le cas échéant, l’impossibilité de procéder au stockage réversible en principe requis. »
La réversibilité évoque aussi un impératif qu’il faut mettre en œuvre : on parle d’exi- gence, d’impératif, d’obligation, de demande, de contrainte de réversibilité.
Les conditions de la réversibilité sont à prévoir
L’Andra puis le Clis de Bure sont également les principaux auteurs des « conditions de la réversibilité ». Elles évoquent l’anticipation des modalités pratiques de sa mise en œuvre, l’anticipation de différents scénarios possibles. Cette idée est présente dans une intervention d’un ingénieur de l’Andra, lors d’une réunion de la Cli du Gard, en juin 1995 :
« Je vais vous présenter la façon concrète dont l’Andra traite la question de la réversibilité. (...) L’analyse qui est entreprise dans le cadre des recherches en laboratoire souterrain devra justement permettre de proposer, à l’issue de ce programme en 2006, des conditions de réversibilité satisfaisantes, c’est- à-dire techniquement réalisables et démontrables. Il faudra prouver ce que l’on dira. »
La réversibilité est une phase dans l’option de stockage
L’opération de traduction technique de la notion de réversibilité qu’elle doit effectuer, ainsi que la définition de modalités concrètes de sa mise en œuvre, conduit l’Andra à préciser les échelles de temps envisagées pour la réversibilité. La réversibilité est alors associée à une phase, période, durée de réversibilité. L’idée que la réversibilité correspond à une période d’une durée limitée apparaît rapidement dans les travaux de l’Andra, par exemple dans une étude de mars 1997 décrivant les principales dis- positions en matière de réversibilité pour des concepts de stockage de déchets HA/MA-VL dans le Gard :
« Sa durabilité de deux cents ans garantit le maintien du jeu fonctionnel pendant la période de réversibilité (niveaux 1, 2 et 3). Ceci permettra, pendant cette période, la reprise des colis, que le jeu fonctionnel soit colmaté ou non. »
Cette durée limitée de la réversibilité, correspondant à une phase dans la gestion d’un centre de stockage, est le principal angle d’attaque des opposants à l’enfouissement : si la réversibilité n’est effective que pour un intervalle de temps donné, c’est bien que l’horizon de l’enfouissement des colis est l’irréversibilité de leur stockage. C’est ainsi que le collectif « Bure Stop » analyse une interview du président de l’Andra au journal Le Monde, en avril 2000 :
« Décryptage du langage du président de l’Andra, Yves Le Bars (...) Mais, dès que la période de réversibilité provisoire (forcée même en phase d’exploitation) sera terminée, on procédera par nécessité, pour essayer d’éviter toute venue d’eau, à un colmatage absolu avec scellement des puits et galeries. La CNE distingue ainsi une phase Après scellement puis ajoute : “À plus long terme, et, en particulier, si l’intégrité de confinement des colis n’est plus garantie, le terme de réversibilité perd son sens propre”. On sera donc dans une situation d’irréversibilité caractéristique du stockage en profondeur, pour des raisons techniques incontournables tenant au principe même de ce stockage, même si on est passé un moment par une phase où on pourrait parler de stockage en profondeur très provisoirement réversible et où on oubliera bien sûr le très provisoirement. »
La sécurité ou l’irréversibilité
Selon M. Régent, la réversibilité n’est envisageable que pendant la période d’exploitation du stockage souterrain. “À partir d’un certain moment, on voudra reboucher les galeries dans lesquelles on a mis des colis. Là, la réversibilité devient un peu plus difficile parce qu’il faudra enlever ce qu’on aura mis pour boucher les galeries. Et puis ce bouchon qu’on met participe aussi à la sécurité. Il y a un moment où, entre réversibilité et sécurité, il faudra choisir. Au tout début de la période d’exploitation du stockage, on est encore dans la phase de réversibilité, et plus on avance, plus c’est la sécurité qu’il faut jouer”. Enfin, et ce sera la dernière citation à ce sujet, gardons en mémoire ce que le directeur de l’Andra lui-même déclarait en janvier 1988 au journal Géo : “Si on conservait un accès vers les colis, cela nuirait à la sûreté et à l’étanchéité du site”. (...)
Un argument commercial
La réversibilité apparaît comme un argument commercial, infondé d’un point de vue juridique et scientifique. Si la recherche ne progresse pas de manière fulgurante dans les années à venir, il est évident que le stockage de déchets radioactifs prendra des allures d’enfouissement définitif. Il faut souligner l’habileté des pouvoirs publics qui, enfouissant dans les failles cérébrales des populations l’espoir d’une reprise des déchets radioactifs, orientent dans leur sens les décisions que les élus locaux seront amenés à prendre. Un important effort de communication est à produire sur ce sujet délicat. »
AEMHM, septembre 1996, La Meuse face aux déchets radioactifs
Une trajectoire irréversible ?
Dans ce même ouvrage, Yannick Barthe s’attache aux trois options envisagées pour la gestion des déchets radioactifs (HA et MA-VL) : le stockage géologique irréversible, le stockage géologique réversible, et l’entreposage de longue durée en surface. Son analyse permet en filigrane de retracer la trajectoire de la notion de réversibilité dans notre dossier.
Barthe montre que le stockage profond irréversible s’est, dans un premier temps, imposé comme la solution de référence conçue par l’expertise scientifique, en réponse à un principe de sûreté du stockage. Cette solution se veut définitive, elle permet de régler le problème dès aujourd’hui : la charge de la gestion des déchets n’est pas transmise aux générations futures, la confiance dans la géologie permet d’éluder le problème de la pérennité des sociétés humaines et de leur capacité à gérer et surveiller les déchets. La sphère technoscientifique a ainsi résolu le problème par la définition d’un projet optimal quant à la gestion des déchets HA et MA-VL : le stockage profond irréversible. La dangerosité des déchets à gérer, leur durée de vie, voire les conséquences sur les générations futures, sont autant d’arguments en faveur de ce mode de gestion. Jean-Claude Petit, qui a réalisé une thèse sur le sujet en 199317, soutient ainsi que l’irréversibilité du stockage est une construction technoscientifique :
« La notion d’irréversibilité est une construction patiente et soigneuse du monde technique. On souhaite rendre le stockage en profondeur irréversible, car on pense que cela en renforce la sûreté. »
Jean-Claude Petit, CEA (entretien téléphonique)
Cette solution, construite sur des critères strictement scientifiques, doit faire face à partir de 1987 à l’opposition des populations locales au moment de la recherche d’un site pour l’implantation d’un laboratoire, et ne parvient pas à s’imposer. Pour faire face à cette opposition, la loi de 1991 produit un renversement de la temporalité du processus décisionnel : les critères politiques vont désormais précéder les critères scientifiques et géologiques18. Cette inversion a conduit peu à peu à concevoir un principe de réversibilité qui s’est imposé officiellement lors de la décision interminis- térielle du 2 décembre 1998. Le mode de gestion des déchets radioactifs sera réversible de façon à maintenir ouvert l’espace des possibles. Le fait de ne pas prendre de décision tranchée immédiatement a pour finalité première d’améliorer l’acceptabilité des décisions qui devront être prises. Nous avons vu comment cela a conduit l’Andra à mettre au point un concept de stockage profond réversible.
Le stockage géologique irréversible permettait de ne pas transmettre aux générations futures un héritage (en l’occurrence une charge) dont ils ne sont pas responsables : avec ce concept, les générations actuelles réglaient elles-mêmes un problème qu’elles ont créé ; mais elles privaient ces mêmes générations d’une liberté du choix concernant une option future éventuellement meilleure. Avec le stockage géologique réversible, les générations futures retrouvent cette liberté de choix, du moins le temps de la durée – limitée – de la réversibilité, en même temps que la charge de continuer à gérer les déchets. Yannick Barthe remarque à juste titre que cette liberté de choix n’est pas héritée par l’ensemble des générations futures, la réversibilité devant avoir un terme au bout de quelques siècles. Mais le principe de réversibilité a aussi une conséquence paradoxale sur la liberté de choix des générations successives, rarement évoquée : il exclut la possibilité de choisir un stockage géologique irréversible pour les générations actuelles. Autrement dit, l’élargissement de l’ensemble des états du monde possibles suppose une réduction des états du monde possibles immédiats.
Si au plan politique la réversibilité semble devenue une condition première pour les ingénieurs en charge de la gestion des déchets, elle constitue une contrainte vis-à-vis du principe de sûreté, non négociable. Le stockage réversible imaginé par l’Andra est ainsi un mode de gestion qui autorise la reprise des colis de déchets pendant la période réversible, et qui devient irréversible lorsque le stockage profond retrouve sa vocation première de solution définitive au problème des déchets radioactifs. L’Andra met donc une réversibilité à durée limitée, par étapes, qui conduit progressivement à la fermeture de l’installation ; à chaque étape, la décision est prise de poursuivre le cheminement, de se maintenir en l’état ou de revenir à l’étape précédente.
Le principe de réversibilité étant devenu un impératif, il a été imaginé, à la demande du Gouvernement en 1998, la possibilité d’un stockage en subsurface. Ce mode de gestion devait faciliter la reprise des colis de déchets, tout en protégeant l’installation de stockage d’une intrusion humaine. Cette option a été étudiée par le CEA, qui l’a redéfinie en entreposage en subsurface de longue durée.
Pour la critique antinucléaire, la gestion des déchets est certes un problème pour lequel il faut impérativement trouver une solution et dont il faut bien se préoccuper dans des programmes de recherches, mais il y a un préalable non négociable : arrêter d’en produire. Ainsi, dans la hiérarchie des contraintes argumentatives, la sortie du nucléaire doit précéder la gestion de ses déchets. Une des tensions rhétoriques est ici qu’il ne faut pas chercher de solution avant de sortir, car la solution aurait pour effet de légitimer le cycle du nucléaire et la poursuite de son développement. En attendant de choisir une autre option de gestion des déchets, le réseau Sortir du nucléaire propose ainsi de prolonger la situation actuelle, autour d’un argument récurrent : l’entre- posage existe déjà ; qu’est-ce qui empêche de continuer ? Les déchets radioactifs de haute activité (HA) et de moyenne activité à vie longue (MA-VL) de l’industrie électro- nucléaire française et des activités du Commissariat à l’énergie atomique sont en effet entreposés sur les sites où ces déchets ont été produits ou regroupés. C’est « la moins mauvaise » des solutions, selon eux, car elle a deux avantages :
elle permet de ne pas implanter d’installations nucléaires sur de nouveaux sites ;
elle évite les transports de déchets radioactifs, jugés trop dangereux.
Mais le problème est, nous le savons, plus fondamental : qui est autorisé à parler au nom des générations futures23 ? Tantôt nous leur attribuons une liberté ; tantôt nous les protégeons des conséquences des choix actuels en projetant de les débarrasser d’une décision à prendre. Certes, les générations nées entre 1960 et 1990 sont réputées moins politisées que les précédentes et les mobilisations se révèlent fragmentaires et fugaces. Mais la mise en présence d’objets qui ne laissent aucune prise et qui sont incompatibles avec une appropriation technique – comme celle rendue possible par les nouvelles technologies – contribue à assurer aux opposants une capacité de conviction pour les années futures24. De fait, le mouvement antinucléaire peut très bien tourner à partir d’une poignée d’« activistes » et marquer des points sur le plan des représentations collectives – il suffit d’examiner l’effet Pièces et main d’œuvre (PMO) sur le dossier des nanotechnologies ou encore la manière dont les anti-OGM ont réussi à enrôler bien au-delà de leurs propres réseaux avec le mouvement des « faucheurs volontaires »25.
Mars 2010
STOCKAGE GEOLOGIQUE DE DECHETS RADIOACTIFS : MISE EN ŒUVRE PRATIQUE DU CONCEPT DE REVERSIBILITE ET GOUVERNANCE
29 mars 2010
Colloque sur l'enfouissement des déchets radioactifs dont la réversibilité à Nantes
avril 2010
Sur le site de l'ANCCLI - Cliquer sur : pngmdr2010_2012.pdf - Le Plan National de Gestion des Matières et Déchets Radioactifs
Il dresse l'état des recherche concernant les 3 axes donnés par la loi du 28 juin 2006 : - la séparation et la transmutation d'éléments radioactifs à vie longue, le stockage réversible ou irréversible dans les formations géologiques profondes, le conditionnement et l'entreposage en surface ou subsurface ainsi que l'avenir envisagé pour ces 3 filières
7 Avril 2010
Réponses aux questions de la Commission Réversibilité du CLIS transmises le 7avril 2010
Juin 2010
Rapport n°4 de la CNE2
Page 16 :
Lorsque le chemisage n’est plus étanche, la vitesse de corrosion du surconteneur est influencée par l’augmentation de température mais reste modérée, de l’ordre de quelques nanomètres par an. De plus, il est probable qu’une certaine proportion des chemisages ne sera pas étanche dès l’origine, alors la présence d’eau, qui pourrait être à pression et température élevées au contact des surconteneurs chauds, rendra difficile une éventuelle réouverture de l’alvéole. Cela devra être pris en compte pour préparer la réversibilité.
Les effets thermomécaniques sont plus sensibles en raison du risque d’ovalisation du chemisage qui n’est pas suffisamment mis en exergue, malgré son importance pour la réversibilité. Les premiers essais de creusement des alvéoles HA montrent en effet que l’apparition d’hétérogénéités de contraintes au contact entre le chemisage et le terrain ne peut être écartée a priori.
Page 17
Les effets dus à la température dans le massif rocheux sont beaucoup plus importants en raison du contraste entre les coefficients de dilatation thermique de l’eau et du squelette argileux. Des pressions interstitielles additionnelles élevées sont créées sur quelques mètres autour des alvéoles ; le jeu entre massif et chemisage se remplira en quelques années d’une eau dont la pression pourrait atteindre 7,5 MPa dans les hypothèses les plus sévères. Ce phénomène mérite attention. Dès lors qu’on attribue une fonction d’étanchéité au chemisage, afin de retarder le début de la corrosion du surconteneur, il paraît opportun de vérifier qu’une telle pression ne remet pas en cause cette étanchéité. Toutefois, la fonction principale du chemisage est de permettre un retrait facile des colis. De ce point de vue, le risque d’ovalisation devrait être mieux analysé car sa maîtrise est essentielle du point de vue du maintien de la réversibilité.
Ces mesures particulières sont fort utiles mais les conclusions qu’on peut en tirer restent largement empiriques et difficilement généralisables en l’absence, déjà regrettée dans des rapports antérieurs de la Commission, d’un modèle de comportement mécanique d’ensemble séparant clairement les divers effets, bien validé par les nombreuses mesures disponibles, compatible avec les réflexions théoriques conduites par ailleurs à plus petite échelle. Seul un tel modèle permettrait d’extrapoler légitimement les observations faites à des périodes plus longues, de l’ordre de celles qui intéressent l’exploitation et la réversibilité. Si un tel modèle paraissait difficilement accessible dans des délais raisonnables il deviendrait important de conduire rapidement des essais à échelle 1 qui compenseraient l’absence d’un modèle théorique robuste.
Compte tenu de l’exigence de réversibilité, il est urgent que le problème de l’ovalisation du chemisage et les modalités de la réouverture éventuelle d’une alvéole HA non étanche trouvent une solution avant le dépôt de la DAC.
Page 18
La Commission observe que l’Andra a examiné soigneusement l’analyse phénoménologique de l’atmosphère du stockage au sein des différents modules et au cours des différentes périodes d'exploitation. La Commission considère que les conséquences de la circulation d’air ont de fortes implications sur la mise en œuvre de la réversibilité du stockage et souhaite que lui soit présentée une analyse de la question.
décembre 2010
Rapport de l'OPECST
Page 44 :
M. Claude Birraux a estimé qu’une fois la loi votée dans les délais, un décalage de quelques années ne serait pas rédhibitoire, à l’échelle d’une durée d’exploitation d’une centaine d’années, d’autant que le stockage des colis de déchets ne présente aucun caractère d’urgence.
Page 46 :
M. Christian Bataille a rappelé que la réversibilité, contrainte incontournable, pouvait également influer sur le coût du projet. Mme Marie-Claude Dupuis a convenu que la réversibilité présentait un coût, mais également des atouts. Elle a considéré qu’il convenait d’évaluer les différents niveaux de réversibilité en fonction des contraintes induites.
Page 58
La réversibilité du stockage profond
M. Claude Birraux a rappelé qu’il s’agissait là d’une condition indispensable, issue du débat public, d’acceptation du stockage profond.
M. Christian Bataille a confirmé qu’il convenait de considérer la réversibilité, évoquée par la loi du 30 décembre 1991, relative aux recherches sur la gestion des déchets radioactifs, et imposée par la loi de programme du 28 juin 2006, relative à la gestion durable des déchets radioactifs, comme une condition politique nécessaire, en dépit de ses conséquences sur la complexité et le coût, d’ores et déjà provisionné par les industriels du secteur, du projet de centre de stockage. En tant que rapporteur de la loi de 1991, il avait pu constater la réticence des populations vis-à-vis d’une solution de stockage définitive et irréversible. La réversibilité, d’une durée d’au moins cent ans, ne constitue pas une réponse idéale sur le plan technique mais une garantie aux population que les autorités, scientifiques et politiques, continueront à prendre en compte les avancées scientifiques pour la gestion des déchets entreposés.
M. Christian Ngô a souligné que le progrès scientifique sur un siècle pourrait lui-même avoir des conséquences sur le prolongement de la durée de réversibilité.
M. Jean-Luc Andrieux a précisé qu’il ne proposait pas de remettre en cause le principe de réversibilité mais de mieux l’éclairer en s’appuyant sur les sciences sociales, par exemple pour expliquer la contradiction apparente entre le rejet de l’entreposage, en raison de son caractère provisoire, et l’exigence de réversibilité du stockage définitif.
14 décembre 2010
Une conférence internationale organisée par l'Agence de l'Energie Nucléaire de l'OCDE à Reims, avec le soutien de l'Andra
Parmi les conclusions : Réversibilité et Récupérabilité ne constituent pas une destination, mais un chemin à parcourir ensemble ! ».
Février 2011
Le contenu de ce forum provient en fait du site Sortir du Nucléaire.
Enfouissement des déchets: la "réversibilité" est une escroquerie
Enfouir les déchets nucléaires H-M-AVL (Haute et Moyenne Activité à Vie Longue), soit une énorme masse de radioactivité à 500 m sous terre est un pari à risques majeurs. Gageure pour la communauté scientifique, enjeu crucial pour la poursuite ou non de la filière nucléaire, projet inacceptable pour les citoyens. La société qui prendra cette décision engage sa responsabilité envers les générations futures.
La "réversibilité" du stockage géologique profond est un concept perfide qui veut faire croire que l'on pourra toujours revenir en arrière. Limitée pourtant à 100 ans, soit environ trois générations, elle est une véritable escroquerie.
La récupération des colis enfouis n'est prévue en aucun cas. Elle ne serait pas compatible avec le principe d'isolement (temporaire) recherché, avec l'écrasement ultérieur des galeries et aurait un coût exorbitant.
La réversibilité donne l'illusion que l'on peut encore prendre des décisions pour changer de cap pendant la construction du centre d'enfouissement. Pourtant à la fin de l'exploitation du site (phase de remplissage - 2125 ?), la fermeture définitive de celui-ci est inéluctable. La réversibilité prépare donc l'irréversibilité du stockage souterrain.
La réversibilité participe avant tout à l'acceptabilité sociale du projet.
La véritable question reste entière et n'a pas été posée aux français : faut-il ou non enfouir sous terre les déchets les plus dangereux ? Faut-il ou non continuer à en produire ?
Les citoyens et habitants de ce pays sont mis devant le fait accompli de décisions prises unilatéralement il y a 20 ans, malgré leur opposition.
Le réseau "Sortir du nucléaire" et le collectif BURESTOP 55 appellent au boycott de ces processus pseudo-démocratiques. Associer la collectivité "à déterminer ensemble la durée exacte de la réversibilité" est une supercherie, à laquelle ils ne participeront pas.
Pourquoi la réversibilité est une escroquerie
La réversibilité est un concept commun à 30 pays nucléarisés.
D’où sort ce concept?
La majorité des Etats nucléarisés ont lancé dès 1970/80 des programmes de recherches visant exclusivement à l'évacuation des déchets H-M-AVL. Evacuation signifiant "stockage définitif en formation géologique des déchets radioactifs à vie longue".
Ce projet est l'objet de rejet massif l'opinion publique depuis les années 1980. Les oppositions se fondent sur : confiance non absolue envers la Science, méfiance envers les promoteurs du projet, absence d'expertise indépendante, questionnements moraux et éthiques, bon sens commun, peur des échelles de temps et de la radioactivité, responsabilité envers l'avenir, etc. Le Comité de la gestion des déchets radioactifs de l'AEN, qui regroupe 30 pays au sein de l’OCDE (Organisation de Coopération et de Développement Economiques), a créé en 2000 le Forum sur la Confiance des Parties prenantes (FSC). Celui-ci travaille à "comprendre les attentes de la société et à s'y adapter". Les méthodes des pouvoirs publics évoluent. Ils cherchent donc à créer de la confiance autour de cette voie.
Des stratégies se développent, la principale reposant sur l'établissement d'un "processus par étapes", ou de "mise en oeuvre graduelle des projets".
Ce processus par étape intègre des notions clés.
La réversibilité en est une.
La réversibilité, ou l’adaptation du sens des mots, en France
En France, la Loi Bataille de 1991 * ouvrait deux options "l'étude du stockage réversible ou irréversible en couche géologique profonde" ( art. 3), dans plusieurs laboratoires souterrains.
La Loi de 2006 * n'a retenu que le (...) "choix du stockage réversible en couche géologique profonde." (art. 3).
En retenant uniquement le terme réversible, les pouvoirs publics créent un flou idéal. Comme le prône le FSC, le symbolisme est important, et parfait : (...) "la réversibilité entraîne la connotation positive d'une marge de manoeuvre et d'une liberté de choix pour les générations futures". (OCDE 2010 NEA n°6870) Le terme largement utilisé aujourd'hui de stockage réversible en couche géologique profonde sur toutes les communications de l'ANDRA et des pouvoirs publics est un tour de passe-passe sémantique. On vide le mot stockage de tout sens dénotatif pour y accoler un sens connotatif.
Là réside l’escroquerie, car le stockage, ou action de stocker des déchets HMAVL pendant des millions d’années ne sera jamais réversible !
(Préconisation du FSC/OCDE NEA n° 2010 : “Il est capital de renforcer la conscience des sens connotatifs des mots qui sont appliqués quotidiennement dans le domaine de la gestion de Déchets radioactifs” (...) )
Réversibilité ne veut pas dire récupérabilité des déchets dans le temps
Elle concerne seulement les étapes de la construction du site d'enfouissement et de son exploitation. Elle ne signifie en aucun cas la récupération des colis dans le temps, quand ceux-ci relâcheront leur radioactivité. La fermeture du centre est inéluctable, au bout de 100, voire 120 ans. On parle bien de stockage définitif.
C'est pourtant la capacité, primordiale, de récupération en cas de danger et de risque de contamination qui intéresse les gens. Au-delà des trois générations actuelles et à venir. De nombreuses associations demandaient la poursuite de l'étude du maintien en surface de ces déchets, voie abandonnée en 2006*. Au rang des arguments invoqués : les garder en surface, “sous les yeux”, pour ne pas les oublier, pour pouvoir intervenir en cas de problème...
“Nul ne doit oublier que l'objectif ultime d'un dépôt est de garantir un confinement sûr et passif des déchets à long terme et que la récupérabilité n'est qu'un objectif secondaire “(...) (AEN/OCDE 2006)
“(...) Depuis le début, la réversibilité est inscrite dans nos concepts. En revanche, ne nous voilons pas la face ! Nous le disons et le répétons : un stockage profond de déchets radioactifs ne sera vraiment sûr à long terme que dans la mesure où il sera fermé définitivement. La loi prévoit une réversibilité pendant au moins 120 ans”. (Marie Claire DUPUIS, directrice générale de l’Andra - Est républicain, 17/02/2010)
“Toutes les études de conception sont menées de façon à ce que le stockage profond puisse être réversible pendant au minimum toute la durée nécessaire pour le remplir...c'est à dire au moins 100 ans!” (ANDRA / site internet dechets-radioactifs.com)
"Même si la mise en stockage des colis de déchets s’effectue sans intention de les retirer, c’est une bonne idée a) de ne pas exclure sans raison des niveaux de récupérabilité et b) de prévoir la réversibilité." (AEN/OCDE)
La récupérabilité est impensable, ne serait-ce qu'en terme de coût
Techniquement, les galeries contenant les colis vont s'écraser au fil du temps, la roche se refermant autour d'eux. La récupérabilité (ou possibilité technique de les retirer) des colis qui fuiront un jour n'est pas compatible avec l'option de stockage définitif recherché. Elle nuirait à la sûreté prétendue, exige un haut niveau de technologie peut-être improbable dans l'avenir, aurait un coût financier énorme.
“(...) si l'option de la récupérabilité devait être indéfiniment maintenue, au gré des orientations politiques et de la perception du public, l'industrie nucléaire serait alors bien incapable d'en prévoir les coûts et donc de définir le prix de son produit”. (AEN/OCDE)
"La complexité technique et le coût de la récupération auront tendance à augmenter au fur et à mesure de la progression des étapes allant vers la fermeture du stockage". (AEN/OCDE)
La "réversibilité" des décisions sert à favoriser l'acceptabilité sociale du stockage souterrain définitif
La réversibilité devient un argument majeur pour les défenseurs de l'enfouissement des déchets nucléaires. Pour neutraliser la notion de longévité quasi infinie du stockage qui va être mis en place. Pour "rassurer" les consciences qui pèsent, pour dédouaner les acteurs politiques qui légifèrent, pour alléger l'inacceptable.
“(…) On reconnaît aussi l’importance des questions éthiques qui peuvent contribuer à gagner la confiance de la société dans la solution du stockage géologique définitif. La réversibilité est un argument éthique de poids, puisque l'évacuation dans des formations géologiques profondes ne doit pas nécessairement être considérée comme un processus totalement irréversible, interdisant tout changement ultérieur de politique.” (RÉVERSIBILITÉ DES DÉCISIONS ET RÉCUPÉRABILITÉ DES DÉCHETS/AEN 2009)
(...) La réversibilité - c'est-à-dire l'idée qu'on peut revenir en arrière fait moins peur à l'opinion publique”. (Marie-Claire DUPUIS, directrice générale de l’Andra - L'Est Républicain Meuse / 17.02.10)
"Au moment de sa construction et de son exploitation, une installation de stockage doit être acceptable aux yeux de la majeure partie du public, et plus particulièrement des populations locales. (...)“ (AEN - Décision par étapes / 3. Acceptation par les individus et la société)
Réversibilité = prise de décisions par étape, ou stratégie de morcèlement d'un "gros" morceau
C'est un dispositif élaboré pour associer toutes les couches de la société aux étapes et prises de décisions technologiques qui mènent à la fermeture définitive du site.
En créant une échelle de réversibilité, les pays tentent de faire valider étapes par étapes par la collectivité toute entière, les dispositifs techniques qui mènent à l'irréversible.
"La réversibilité est donc une méthode de travail qui reconnaît que la prise de décisions s’opère par étapes et permet d’arriver à une décision finale à partir de bases techniques et sociales saines". (AEN/OCDE)
L'ANDRA prépare l'irréversible. Conseils pour le rendre présentable, étapes par étapes
L’enfouissement définitif a trois objectifs : confiner, retarder et limiter le retour des radionucléides dans la biosphère. Aucun scientifique au monde ne peut prédire l'avenir sur une échelle de temps aussi démesurée. Il est bien prévu que la radioactivité s'échappe de la roche hôte. Dans 200, 500, 1000, 5000, 100 000, un million, dix millions etc. d’années ?
Le dossier de sûreté que présentera l'Andra en France en 2015, en préalable à sa demande de construction du site, (BURE et les trois communes voisines désignées en 2010 (Bonnet, Mandres, Ribeaucourt en Meuse) reposera sur un empilement d'arguments par pallier. Plus le temps avance, plus l'on part dans l'inconnu. Le niveau d'argumentation s’adapte en fonction de l’évolution des scénarios prévisibles. Les recommandations de vulgarisation suivantes vont bien au-delà de toutes les études menées in situ. Et cela ne rassure pas.
L’enfouissement nucléaire repose-t’il plus sur des prévisions scientifiques temporaires que sur la capacité des promoteurs de celui-ci à rendre notre génération complice de l’effroyable réalité ?
"Néanmoins, sur des échelles de temps suffisamment longues, même les matériaux ouvragés et milieux géologiques les plus stables sont soumis à des perturbations et subissent des modifications (...)" "Vu les échelles de temps et d’espace à prendre en compte dans une évaluation de la sûreté, les incertitudes (ou des lacunes dans les connaissances) sont inévitables concernant les caractéristiques et l’évolution du dépôt et de son environnement immédiat. Toutefois, toute entreprise humaine est entachée d’incertitudes et toute prise de décision doit prendre en compte cette réalité". (AEN 2006)
"Globalement, un dossier de sûreté doit optimiser les arguments en faveur de la sûreté qui sont disponibles et qui peuvent varier selon les projets et au fur et à mesure de leur avancement. Dans la présentation d’un dossier de sûreté, l’accent est mis sur les fonctions de sûreté qui devraient être les plus efficaces et pour lesquelles on dispose des arguments jugés les plus convaincants à n’importe quel moment de l’évolution du dépôt et de son environnement. Il ne faut pas hésiter à admettre les faiblesses dans l’argumentaire et les replacer dans un contexte de sûreté globale. Par exemple, au départ les colis assureront un confinement total des déchets et les arguments relatifs à la sûreté peuvent insister sur les données corroborant l’intégrité des colis pendant une certaine durée. Toutefois, quand il s’agira d’expliquer sur quoi repose cette confiance, il faudra examiner les processus et les événements susceptibles de détériorer cette fonction de confinement.
Passé un certain délai, la confiance dans le confinement total n’est plus assurée, il faut donc produire des arguments fondés, par exemple, sur la stabilité des formes de déchets, l’immobilisation géochimique et la faible circulation des eaux souterraines ainsi que la stabilité de l’environnement géologique pour montrer que les relâchements vers l’environnement humain demeurent limités, même si l’on tient compte des incertitudes dans les données et les modèles. À un horizon encore plus lointain, lorsque la stabilité de l’environnement géologique devient problématique, il est probable que les arguments mettant en avant la décroissance radioactive et la baisse concomitante des dangers potentiels des déchets devraient tenir une place plus importante. Bien qu’une évaluation de la dose ou du risque puisse encore être requise par la réglementation, une évaluation moins rigoureuse de ces indicateurs pourrait bien être acceptable compte tenu de cette diminution des dangers potentiels à des horizons extrêmement lointains. " (AEN/OCDE)
La "réversibilité" masque le vrai problème, occulte la question essentielle du pourquoi de ces déchets.
mars 2011
Fermeture du stockage et réversibilité
Le fait que le stockage doive être scellé à terme est-il contradictoire avec la notion de réversibilité ? La réponse de Jean- Michel Hoorelbeke, directeur adjoint des programmes à l’Andra.
Ne pas laisser aux générations futures la charge de la gestion des déchets radioactifs. C’est dans cet esprit que la France a opté pour la solution du stockage. La sûreté après fermeture du stockage est dite « passive » car elle ne nécessite aucune intervention de l’homme mais repose sur la roche dans laquelle sera implanté le stockage.”
Laisser une porte ouverte pour les générations futures “Tout en souhaitant limiter cette charge pour nos descendants, le Parlement a aussi voulu leur laisser une liberté d’action, qui s’appelle la réversibilité. L’Andra a engagé sur ce sujet une réflexion aux niveaux local, national et international afin d’en appréhender les dimensions à la fois sociales, politiques, scientifiques et techniques. Ce travail a conduit à distinguer deux notions : la réversibilité et la récupérabilité.” Réversibilité de la décision “Il s’agit de faire en sorte que le processus de stockage soit progressif, pour qu’il soit possible de se demander à chaque décision si c’est la bonne et même de requestionner les précédentes. Parmi les décisions à prendre, il y aura les différentes étapes de fermeture du stockage, en commençant par la fermeture d’une alvéole, puis d’une galerie et enfin des descenderies et puits d’accès. La période de réversibilité du stockage commence au moment où l’on y met le premier colis et s’arrête au scellement du dernier puits, elle est d’au moins un siècle.”
La récupérabilité est la capacité à retirer les colis du stockage “Cette contrainte est systématiquement prise en compte dans le concept de stockage (robustesse des colis et des alvéoles, espaces laissés entre les colis pour faciliter leur retrait, robot permettant d’aller retirer les colis dans les alvéoles), jusque dans les dispositifs de scellement eux-mêmes (possibilité d’enlever les « bouchons » mis en place). Le scellement n’est donc pas contraire à la récupérabilité, même si, évidemment, il la rend plus complexe. Enfin, un dernier point concerne la surveillance du stockage. Pour répondre à cette attente forte de la population, l’Andra étudie comment surveiller le stockage au fur et à mesure des étapes de fermeture et après la fermeture définitive.”
Novembre 2011
Rapport n°5 de la CNE2
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Dans l’éventualité de devoir remonter un colis, les installations de surface devraient être dotées d'équipements de décontamination et d'entreposage. Ce type d'opérations est d'ores et déjà bien maîtrisé par les producteurs de déchets, mais un problème de capacité se poserait si toute une série de colis devait y être entreposée pour une période plus ou moins longue.
La réversibilité, ou même la récupérabilité, ne peuvent donc se concevoir que si les installations de surface ont, dès le départ, été conçues et dimensionnées pour faire face à tous les incidents potentiels car il pourrait être difficile de renvoyer des colis défaillants chez les producteurs d'origine.
L'Andra étudie la possibilité de se doter pour cela, dès 2050, d'un module d'entreposage de 100 à 500 m3. Ce volume sera-t-il suffisant pour effectuer les manipulations nécessaires ?
Si cet équipement peut être considéré comme faisant partie intégrante du projet de centre de stockage souterrain, en serait-il de même d'un module d'entreposage destiné à la décroissance thermique de colis de déchets HAVL ?
Ce projet, évoqué à plusieurs reprises dans des documents de l'Andra, permettrait d'accueillir, dans une structure de 725 à 2 000 m3, des colis dont la puissance thermique aurait déjà décru durant une première période d'entreposage à La Hague. Ne s'agirait-il pas d'un projet, distinct de celui du centre souterrain de stockage ? Auquel cas, il devrait faire l'objet d'une procédure spécifique clairement rendue publique.
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Il est indéniable que le choix d'une liaison fond/surface grâce à une ou deux descenderies permettrait d'élargir la zone potentielle d’implantation des installations de surface, ce qui faciliterait les négociations avec les instances locales.
Ce type de liaison a été adopté pour les projets de centres souterrains de stockage en Suède et en Finlande, mais avec des creusements à réaliser dans des formations granitiques. En France, on devra traverser des terrains calcaires aquifères, éventuellement karstifiés. Il faudra s’assurer que les eaux de la formation ne viendront pas s’infiltrer dans les niveaux sous-jacents.
La Commission souhaite disposer, avant le Débat public, d'études lui permettant d'évaluer la pertinence, sur le plan scientifique et technique, des choix qui seront proposés à l'occasion de ce débat. En effet, si le dialogue avec les responsables politiques et les diverses parties prenantes constitue une donnée essentielle du processus de sélection des zones d'implantation des installations de surface, néanmoins le choix définitif de ces implantations devra s'appuyer principalement sur le résultat d'études objectives des contraintes géographiques, géologiques et environnementales des sites envisagés.
Dès que la localisation des zones d’implantation de surface sera précisée, la Commission estime indispensable de disposer d'une étude sur les perturbations hydrauliques et géologiques qui seraient éventuellement provoquées par le creusement de la ou des descenderies.
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La Commission apprécie très favorablement ce programme mais estime qu’il est indispensable d’observer également, pendant une longue durée, une alvéole HAVL sans chemisage, dans la direction la plus adaptée au projet proposé par l’Andra. La présence du chemisage complique les observations et rend difficile leur interprétation compte tenu des interactions que cette présence engendre. On pourrait ainsi observer directement les déplacements des parois en fonction du temps, les ruptures locales, la perte éventuelle d’alignement, l’évolution de l’EDZ.
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L’Andra a conduit des essais de creusement d’alvéoles de 40 m de long, 70 cm de diamètre, chemisées par un tube d’acier de diamètre un peu inférieur. Ce chemisage a pour fonction principale de permettre une introduction et, le cas échéant un retrait, faciles des colis HAVL.
Le premier risque est que les mouvements du terrain qui vient rapidement au contact du chemisage, engendrent son ovalisation, conduisant à un frottement additionnel, peut-être même à un coincement du colis à retirer. Les calculs d’ovalisation effectués en vue de dimensionner l’épaisseur d’acier du chemisage comportent encore des incertitudes. La réversibilité exige que ces problèmes trouvent leur solution.
La Commission n’a pas entendu d’exposé complet sur ce sujet. Elle demande que le cahier des charges des fonctions que doit remplir le chemisage soit précisé quantitativement.
Le second risque concerne l’alignement des tubes le long de l’alvéole. L’Andra a vérifié avec son démonstrateur de surface que le retrait pouvait se faire même avec une courbure importante, mais il reste à estimer si les marges sont suffisantes dans tous les cas.
Mi-2011, l’Andra mettra en place une instrumentation du chemisage d’une alvéole, pour suivre l’évolution de l’interface argilite/chemisage. Une deuxième phase, commençant mi-2012, comportera un essai des procédés d’obturation de la tête d’alvéole et un essai en vraie grandeur sur une alvéole muni de son insert et de sa plaque de fond. Dans ce dernier essai, une source de chaleur reproduira les conditions des colis HAVL (C0)38 qui devraient être les premiers stockés. Cet essai doit durer une dizaine d’années.
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La loi exige que la réversibilité soit garantie pendant au moins 100 ans. Néanmoins, le mot de "réversibilité" est, aux yeux de la Commission, ambigu. La Commission estime indispensable à l'information judicieuse de tous les acteurs concernés par le stockage et, en particulier, du citoyen, de dissiper cette ambiguïté par l'adoption d'un lexique plus précis. Elle propose de retenir trois mots distincts pour trois réalités différentes :
- ?la réversibilité, en un sens précis et univoque, désigne la possibilité, en n'importe quel point d'effectuation du projet, de revenir à un point antérieur, compte tenu du fait que plus la réalisation avance, moins il devient possible de regagner des points plus reculés ; en d'autres termes, la réversibilité fait d'autant plus place à l'irréversibilité que la distance entre les stades de réalisation est plus grande ;
- ?la récupérabilité est la capacité d'atteindre les colis stockés et de les extraire de leur position dans le stockage, de manière à pouvoir leur appliquer au fond les éventuels traitements requis par leur état à différentes échelles de temps, qu'il s'agisse d'accidents ou de conversion des déchets en ressources exploitables ;
- ?la flexibilité vise un mode de gestion du projet de stockage, à tous les stades d'élaboration et de réalisation, conçu de telle manière qu'il puisse être constamment et perpétuellement modifié, pour être à même de repérer, de traiter et d'intégrer toutes informations nouvelles portant sur l'efficience de l'entreprise.
La réversibilité résulte d’une demande sociale introduite dans la loi. Elle implique que l’option d’un retrait partiel ou complet des colis de déchets reste crédible pendant une durée d’un siècle au moins. Pendant cette durée, le retrait est de moins en moins facile. Une échelle qui comporte cinq niveaux successifs de réversibilité a été adoptéepar l’AEN (Agence pour l’énergie nucléaire) ; l’Andra a contribué à sa mise au point. L’Andra a également contribué à l’organisation à Reims par l’AEN, en décembre 2010, d’un colloque consacré à la réversibilité et à la récupérabilité. Ce colloque a montré que l’Andra se plaçait au premier rang de la réflexion internationale sur la réversibilité.
Un retrait éventuel doit avoir été préparé : il faut prévoir les circonstances qui pourraient le rendre nécessaire, disposer des éléments permettant de décider le retrait, dont l’estimation de son coût et des risques pour les opérateurs, préparer des plans de retrait intégrant les difficultés qui peuvent survenir, pouvoir adapter le rythme de déstockage à la nature de l’événement qui l’a rendu nécessaire et vérifier que les plans de retrait sont cohérents et applicables.
Pour que la récupération des déchets demeure facile, compte tenu du niveau de réversibilité atteint, plusieurs conditions doivent être satisfaites pendant toute la période de réversibilité. Il faut qu’il n’existe aucune incertitude sur la nature et la localisation de chacun des colis de déchets. Les puits et galeries d’accès aux alvéoles qui contiennent les colis doivent rester dans un état qui permette la circulation des engins de transport et de manutention. On doit avoir ménagé, entre les colis et le revêtement ou le chemisage des alvéoles, un jeu suffisant. Ce jeu doit être calculé avec une marge qui tienne compte des effets des pressions de terrain qui s’exerceront progressivement sur le revêtement ou le chemisage des alvéoles et pourront en réduire la section ou en perturber l’alignement. Pendant la période considérée, les conteneurs en acier ou en béton qui enveloppent les déchets ne doivent connaître que des évolutions limitées. De même, il faut limiter les évolutions physico-chimiques qui affecteraient l’air, l’eau et plus généralement les matériaux du voisinage des colis et qui seraient susceptibles d’engendrer des difficultés pendant la récupération. Les dispositifs de saisie, d’extraction, de manutention et de transport des colis doivent avoir été maintenus opérationnels. Des moyens d’observation et de surveillance doivent fournir les informations utiles sur l’évolution des colis et de leur environnement. Les colis retirés, quelle que soit leur quantité, doivent pouvoir être entreposés à la surface, sur place ou à distance, dans des conditions sûres.
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L'évolution des alvéoles et des colis pendant la période de réversibilité est une préoccupation majeure pour la Commission, puisqu'elle sera un facteur clé de la facilité de mise en œuvre du processus de réversibilité. Les moyens de manutention permettant le retrait seront les mêmes que ceux utilisés pour le stockage, ce qui garantit que leur maintenance sera assurée. Cela imposera toutefois certaines contraintes en cas d’évolution technologique de ces moyens, qui n’est pas improbable sur une durée d’un siècle.
Pour ce qui concerne le retrait des colis HAVL, deux problèmes essentiels se posent, d’une part la corrosion des surconteneurs des colis ou du chemisage des alvéoles et, d’autre part, l’ovalisation ou la perte d’alignement du chemisage des alvéoles.
L’Andra estime que les vitesses de corrosion restent suffisamment faibles pour ne pas modifier significativement les conditions d’un retrait. Hormis leurs effets directs sur l’état du chemisage et du surconteneur, que l’Andra apprécie comme modestes, les phénomènes de corrosion, en cas de réouverture de l’alvéole, mettront l’atmosphère de la galerie en contact avec une phase fluide contenant de l’eau liquide, de la vapeur et de l’hydrogène, produit de la corrosion anoxique, à pression et température élevées (plusieurs MPa et un peu en-dessous de 100 °C). La réouverture de l’alvéole doit tenir compte de cette situation.
L’ovalisation et la perte d’alignement du chemisage peuvent résulter de la contrainte qu’il subit en raison de la pression hydrostatique à la profondeur du stockage et, à plus long terme, du poids des terrains. Les calculs que propose l’Andra pour rendre compte de ces phénomènes gagneraient en crédibilité si l’on disposait de modèles consolidés et validés du comportement différé engendré par les effets conjoints du fluage, de l’évolution des pressions de pore, de la dilatation thermique, éventuellement des transformations physico-chimiques affectant le massif.
La Commission souhaite que lui soient présentés les calculs de dimensionnement vis-à-vis du risque d’ovalisation ; elle estime qu’il faudra, dès que possible, mettre en œuvre des essais en place complètement représentatifs des conditions réelles, seuls susceptibles d’entraîner complètement la conviction quant au risque d’ovalisation.
Le retrait des colis MAVL est, plus fidèlement que dans le cas des colis HAVL, l’opération inverse de la mise en place car les colis ne sont pas extraits par traction mais repris par le même robot qui les a mis en place. L’obturation définitive des alvéoles de déchets MAVL n’est pas immédiate ; au contraire une ventilation est organisée pour évacuer les gaz produits et, à un moindre degré, pour refroidir les colis. La ventilation facilite la surveillance de l’atmosphère de l’alvéole ; en maintenant une atmosphère sèche dans l’alvéole, elle réduit considérablement les vitesses de corrosion. En revanche, après obturation, de l’eau pourra être présente au moins localement avec, pour certains colis, formation d’hydrogène ou augmentation de la température jusqu’à des valeurs de l’ordre de 40 à 70 °C. Une attention particulière devra être portée à la récupérabilité des colis de bitume.
En conclusion la Commission apprécie que l’Andra ait réalisé un examen de l’évolution des alvéoles et des conditions qui y règnent. Elle note que cet examen contribue à l’analyse des conditions concrètes d’un retrait de colis. La Commission insiste sur l’importance d’une vérification de cet examen, à échéance rapprochée, au moyen d’essais complètement représentatifs des conditions réelles d’un stockage.
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Le PNGMDR prévoit qu’il faut "prendre en compte la réversibilité du stockage, notamment en identifiant systématiquement des solutions d’entreposage pour accueillir des colis qui seraient retirés du stockage".
La Commission considère que l’entreposage des déchets éventuellement retirés d’un stockage est une question qui doit être considérée avec rigueur pour établir le cahier des charges des ZIIS mais qu’elle n’appelle pas une réponse pratique à courte échéance. Sa solution dépend en partie de l’évolution, dont il est difficile de préjuger, du paysage énergétique français dans les trente années à venir. Elle observe que l’Andra devra continuer à y consacrer des moyens de recherche suffisants pour apporter en temps voulu les réponses souhaitables.
L’Andra s’attache à réaliser des essais en prototype de surface et à tirer des essais réalisés en laboratoire souterrain les enseignements utiles du point de vue du retrait. Mais le retrait est une opération globale complexe pour laquelle la vérification de chaque maillon de la chaîne n’est sans doute pas suffisante.
La Commission invite l’Andra à proposer, dans la perspective du dépôt du dossier de la Dac, les éléments de définition d’une revue périodique de réversibilité qui devrait comporter la conduite d’exercices de réversibilité.
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Au stade actuel du projet, compte tenu des échéances à venir (Débat public, dépôt du dossier de la Dac, loi sur la réversibilité), la Commission souhaite maintenant que soit examinée avec rigueur et précision l'influence de la demande de réversibilité dans la loi de 2006, sur le projet de stockage. Les questions suivantes sont posées :
- Y-a-t-il des limites à la réversibilité ?
- Dans le concept de stockage présenté, quels sont les éléments qui sont rendus indispensables par l’exigence de réversibilité ?
- Quelles sont les conséquences de ces mesures sur la sûreté du stockage ?
- Quelles sont les conséquences de ces mesures sur le coût du stockage ?
- Y-a-t-il des processus à améliorer ou fiabiliser (contrôle des colis, traçabilité) ?
- En conséquence, quels sont les paramètres à surveiller et quelle instrumentation est à développer : analyse des conditions qui empêcheraient de ressortir les colis d’une alvéole, ovalisation, alignement, atmosphère, risque pour les opérateurs, conditions d’un déstockage rapide, entreposage des colis etc. ?
2012
Réversibilité des décisions et récupérabilité des déchets radioactifs
Éléments de réflexion pour les programmes nationaux de stockage géologique
22 octobre 2012
Liste des colloques sur l'enfouissement des déchets nucléaires dont la réversibilité
Rencontres scientifiques et colloques
La recherche et l'innovation pluridisciplinaires naissent d'un dialogue ouvert avec le monde scientifique. Ainsi, la communauté scientifique participe largement aux travaux de recherche et congrès internationaux organisés par l'Andra.
22 octobre 2012
Colloque sur l'enfouissement des déchets nucléaires dont la réversibilité à Montpellier
novembre 2012
Rapport n°6 de la CNE2
La CNE souligne que, pour satisfaire à l'obligation de réversibilité imposée par le législateur, des essais de scellement à l'échelle 1 devront être réalisés. Or, ils ne pourront être effectués que dans un projet mené conjointement dans le laboratoire souterrain et dans une partie dédiée du stockage lui-même.
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Le comportement différé du massif doit être correctement apprécié, les ouvrages qu’on y creusera devant rester ouverts pendant 100 ans au moins. En particulier le chemisage des alvéoles HAVL et les soutènements en béton des alvéoles MAVL et des galeries de liaison doivent être, dès l’origine, correctement dimensionnés pour supporter les efforts qui s’y appliqueront à terme et permettre la réversibilité.
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La Commission observe que la conception des alvéoles HAVL n’est pas définitivement fixée. Elle estime qu’il est normal, à ce stade du projet, que des réflexions se poursuivent, d’autant que les premiers alvéoles ne devront être opérationnels que dans plusieurs dizaines d’années. Elle rappelle son opposition à certaines idées, comme l’ouverture de l’alvéole des deux côtés. En raison de leur impact sur la sûreté et la réversibilité, la Commission examinera attentivement les options de conception qui seront présentées dans la phase d'esquisse. Elle estime que le programme de travaux théoriques doit se poursuivre, mais que des essais à l’échelle 1, comme celui commencé dans le cadre du projet européen LUCOEX, seront nécessaires pour asseoir complètement la compréhension des phénomènes.
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Développement technologique : le travail nécessaire d'industrialisation des technologies pour construire et préparer les alvéoles destinées à recevoir les colis de déchets, pour assurer la descente et le positionnement des colis, et pour, le moment venu, fermer les alvéoles, les galeries et les ouvrages d'accès. Dans le cadre de la loi, il faut aussi prévoir les techniques de récupération des colis qui seraient à mettre en œuvre pendant la période de réversibilité imposée ;
décembre 2012
Propositions de l’Andra relatives à la réversibilité du projet Cigéo
19 décembre 2012
Un article de SCIENCES ET AVENIR
Stockage des déchets nucléaires: "réversible" ou pas "réversible" ?
L’Andra prône un stockage définitif (c'est-à-dire impossible à rouvrir pour des milliers d’années) des déchets radioactifs les plus dangereux. À l'inverse, nombre de députés souhaitent des stockages "réversibles".
Réversibilité. Voilà un mot qui sera à la mode en 2013. Interrogée par la Commission du développement durable de l’Assemblée nationale le 18 décembre, Marie-Claude Dupuis, directrice générale de l’Agence nationale de gestion des déchets radioactifs (Andra) a réitéré les préférences de son agence pour un centre de stockage des déchets radioactifs les plus dangereux qu’on ne puisse plus rouvrir pour des milliers d’années. À l’inverse de ce que prônent nombre de députés.
Cette question-là va agiter le débat public sur la création du Centre industriel de stockage géologique (Cigeo) sur la commune de Bure, à la limite de la Meuse et de la Haute-Marne qui va avoir lieu au printemps prochain.
Quid des solutions « réversibles » pendant au moins cent ans ?
Il s’agit de solliciter l’avis des Français sur le devenir des 2 700 m3 de déchets hautement radioactifs à vie longue et des 40 000 m3 de moyenne activité à vie longue déjà produits par les centrales nucléaires d’EDF et les centres d’exploitation et de recherche d’Areva et du CEA. Ainsi que des volumes qui seront générés dans les prochaines décennies par l’exploitation du parc nucléaire.
Stockage. La loi du 28 juin 2006 officialise la solution du stockage dans des couches profondes du sol de ces déchets qui vont rester dangereux sur des centaines de milliers d’années. Bure présente à cet effet une configuration géologique favorable : une couche argileuse datant de 160 millions d’années. Les déchets y seraient stockés à 490 mètres de profondeur.
Mais la loi précise que cette solution doit être « réversible » pendant au moins cent ans. Dans l’esprit du législateur, les hommes doivent pouvoir à tout moment pouvoir récupérer les déchets, soit parce qu’une solution technique de dépollution a été trouvée, soit parce qu’il faut les déménager pour des raisons qu’on peine aujourd’hui à imaginer : guerre, érosion rapide de l’argile, tremblement de terre…
« plus il y a de réversibilité, moins il y a de sûreté
Les ingénieurs de l’Andra préfèrent y opposer une confiance absolue dans la barrière géologique : « si l’on a choisi l’option du stockage profond, c’est bien parce qu’on n’a pas l’intention de retirer ces déchets » a asséné Marie-Claude Dupuis aux députés ; pour elle, « plus il y a de réversibilité, moins il y a de sûreté ».
Alvéole. Le scénario de l’agence, c’est le dépôt des colis en alvéole, la fermeture des alvéoles quand elles sont remplies, le scellement des galeries quand une zone de stockage comprenant plusieurs alvéoles est pleine, puis une fermeture définitive du puits d’accès à la surface.
Ensuite, le temps fait son œuvre : les matériaux de confinement de la radioactivité se dégradent lentement pour laisser in fine l’argile remplir son rôle de barrière.
Robot. Obéissant à la loi, l’Andra a modifié la conception des robots qui vont déposer les déchets dans les alvéoles du centre pour qu’ils puissent aussi retirer ces paquets. Et elle étudie les techniques d’obturations qu’on puisse enlever. C’est sur ces scénarios à des horizons de temps qui dépassent largement les hommes que devront réfléchir les Français.
Et d’autres problèmes encore : comment garder la mémoire de la dangerosité du lieu sur des milliers d’années ? Et qui devra prendre la décision de retirer les déchets en cas de besoin ? Après le débat public de 2013, il faudra voter une nouvelle loi en 2015. Cigeo devrait ouvrir en 2025.
28 février 2013
Un compte rendu d'auditions de l'OPECST
Thibault Labalette
Nous avons mené depuis 2006 un très gros travail d’écoute et de dialogue, à la fois au niveau local, en s’appuyant notamment sur le comité local d’information et de suivi du laboratoire souterrain, mais également au niveau national et au niveau international, sur cette question de la réversibilité. Ce travail est intéressant car il nous a permis de collecter les attentes derrière le mot « réversibilité », que je peux résumer au travers des éléments suivants.
Premièrement, tout le monde nous dit que la sûreté est l’objectif fondamental du stockage. Il faut absolument que le stockage soit sûr, c’est un point très important. Mais il faut également pouvoir, techniquement, récupérer les colis de déchets et, politiquement, revenir sur des décisions prises en 2015. Le public nous pose des questions précises : par exemple comment sera réévalué l’inventaire des déchets stockés dans Cigéo, les hypothèses d’aujourd’hui pouvant évoluer dans le futur ? A quelle date commencerait le stockage de nouveaux types de déchets, quand le stockage sera fermé ? Ces questions seront instruites pendant la centaine d’années d’exploitation du centre de stockage.
Le deuxième point technique sur lequel il faut être bien clair, c'est que la récupérabilité des colis sera de plus en plus complexe, au cours du temps et après la fermeture du stockage. En effet, il est plus facile d’aller rechercher un colis dans un entreposage en surface que dans une alvéole à cinq cents mètres de profondeur. Il sera aussi plus compliqué d’aller rechercher un colis qui se trouvera dans une alvéole fermée, qu’avant fermeture de celle-ci. Il y a eu, sur ce sujet, un travail au niveau international, avec plus d’une dizaine de pays, pour proposer une échelle de récupérabilité, décrivant les différents niveaux de vie du stockage, la progression, à chaque niveau, vers une sûreté de plus en plus passive et, corollairement, l’augmentation de la complexité du retrait éventuel d’un colis. Ce qui veut dire que, dans la vie du stockage, il y aura des décisions importantes à prendre à chaque franchissement d’une étape : en 2015 pour le début de la construction du stockage, à l’horizon 2040 pour la fermeture d’une première alvéole, dans plus de cent ans pour le rebouchage de la descenderie et des puits. Toutes ces réflexions nous amènent à faire des propositions répondant aux attentes que nous avons perçues, à travers ce dialogue, sans compromettre la sûreté du stockage, objectif fondamental, et qui soit réaliste sur le plan industriel. Nous aurons l’occasion de les présenter pendant le débat.
Maryse Arditi
Troisième élément, la réversibilité : la population devra attendre la loi prévue après le débat public pour savoir en quoi elle consiste. Ce que je dis personnellement, c’est que la descente du premier fût sera un geste absolument irréversible. Il n’y a pas de réversibilité. La réversibilité a été proposée en 2006 pour que les députés acceptent la loi et l’enfouissement. En réalité il n’y aura pas de réversibilité et chacun le sait plus ou moins.
Madame Dupuis
Nous aurons le temps de prendre ces décisions, puisque nous allons construire le stockage, si nous y sommes autorisés, pas à pas, au fur et à mesure des besoins. Les étapes vont s’imposer d’elles-mêmes, puisqu’il faudra décider d’un nouvel investissement. De plus, nous aurons des rendez-vous, tous les dix ans, avec l’Autorité de sûreté nucléaire. Ce que nous proposons, pour répondre à Mme Séné, c’est de préparer ces grands rendez-vous non seulement sur le plan technique, avec l’ASN, mais aussi avec la société, sous une forme restant à définir. Cela pourrait être inscrit dans la future loi de 2016 sur les conditions de la réversibilité. Nous essaierons de faire des propositions sur la réversibilité, afin que le processus initié, il y a plus de vingt ans, par la loi de 1991, laquelle a prévu un chemin pas à pas pour avancer vers une solution sûre à long terme, se poursuive après la mise en service. J’ai en effet conscience que la société n’a pas envie de donner un chèque en blanc à l’Andra pour cent années d’exploitation.
7 mars 2013
Cet avis donne la
Position de la CNE sur la réversibilité
La réversibilité traduit le principe que le stockage est susceptible d'évoluer tout au long de son exploitation, imposant que toutes les interventions nécessaires puissent être effectuées. Sa mise en œuvre exige, outre une qualité assurée et vérifiée, la récupérabilité et la flexibilité.
La récupérabilité signifie la latitude d'extraire tout colis de déchets de son lieu de stockage ; elle implique la capacité de mobiliser, le cas échéant, les moyens techniques et économiques nécessaires, et ce pendant toute la durée de la période de réversibilité que la loi fixera.
La flexibilité exige la réunion de capacités variées :
- de prise en compte des avancées scientifiques et techniques, ainsi que du retour d'expérience pendant la période séculaire d'exploitation ;
- ?d'adaptation du stockage à l'évolution de la nature des déchets et des colis ;
- de surveillance des différentes composantes de l'ouvrage, de manière à appliquer les actions de réversibilité qui s'imposeraient.
La Commission est favorable à la réversibilité du stockage ainsi conçue et mise en œuvre. Elle impose des contraintes à prévoir à l'avance et des pratiques à respecter. À titre d'exemple contraire, la Commission observe que l'évolution des chambres de stockage de la mine d’Asse eût vraisemblablement été plus facile à contrôler, si les ouvrages avaient été conçus dès l'origine pour être réversibles, et que la récupération de certains colis de Stocamine a été gravement compromise par l'oubli de la réversibilité pendant l'exploitation du stockage.
Toutefois, la commission rappelle que, à terme, un stockage de déchets radioactifs a vocation à être fermé et à fonctionner en mode passif, sans qu'il soit nécessaire de le surveiller. Par conséquent, les dispositions favorables à la réversibilité ne doivent pas compromettre la sûreté du stockage tant durant la phase d'exploitation qu’après fermeture.
Avis de la Commission sur le rapport de l’Andra
Dans le schéma directeur d'exploitation et de fermeture proposé par l'Andra, la commission apprécie favorablement :
- ?la construction des installations par tranches dans une conception modulaire ; l'intégration, dès la conception des installations, d'éléments qui facilitent la récupération des colis sans remettre en cause l'objectif d'un stockage définitif ;
- ?la mise en place d'ouvrages témoins : la Commission recommande qu'ils correspondent aux différents niveaux de fermeture et donc de difficulté de récupération ;
- ?l'organisation de revues de projet avec une périodicité de dix ans, pour bénéficier du retour d'expérience et actualiser les conditions de la réversibilité : la Commission souhaite que les conclusions des revues de projet soient rendues publiques ;
- ?la mise en place, dès la création de Cigéo, de dispositifs de surveillance du stockage ;
- ?la création de l'Observatoire Pérenne de l'Environnement, destiné à perdurer après la fermeture du stockage.
La Commission considère que :
- ?la sécurité des travailleurs et la sûreté du stockage à long terme sont prioritaires ;
- ?aussi la fermeture d'un alvéole à temps pour garantir une évolution optimale doit-elle être préférée à la prolongation de son ouverture à des fins de récupération ;
- ?le schéma directeur devra préciser les opérations de maintenance et de réparation qui pourront être réalisées en situation tant normale qu’accidentelle ;
- des exercices de récupération de colis, dans le respect des règles de radioprotection, doivent être prévus ; ils seront l'occasion d’ausculter le milieu de stockage.
26 avril 2013
Article dans les Echos.fr
13 mai 2013
Dans INDUSTRIE ET TECHNOLOGIEs : Les défis de la réversibilité
9 juillet 2013
"Tout n’est pas décidé" dixit Marie-Claude DUPUIS
24 octobre 2013
Déchets nucléaires stockés à Bure ? Une faille majeure dans le projet : la réversibilité
par Benjamin Dessus pour Reporterre.
Cigéo , le projet d’enfouissement de déchets nucléaires à Bure, est censé assurer la réversibilité du stockage. C’est-à-dire la possibilité de retirer les déchets dans l’avenir. L’Andra présente cet aspect comme acquis, mais à l’examen, cette réversibilité parait très douteuse.
.../... C’est en effet l’un des points critiques du projet. On sait que cette notion de réversibilité à été introduite dans la loi de 2006 sous la pression de l’opinion publique qui s’était fortement exprimée au cours du débat « déchets et matières nucléaires » de 2005, pour un entreposage pérenne en lieu et place d’un stockage définitif. Le Parlement a donc demandé à l’Andra en 2006 que le stockage soit réversible pendant au moins 100 ans. Les conditions de cette réversibilité devraient être fixées par une nouvelle loi qui serait votée avant l’autorisation de création de Cigéo.
.../... Du point de vue technique, elles consistent principalement à prévoir des engins de manutention capables de sortir aussi bien que d’introduire des colis dans les galeries et à prévoir une géométrie adéquate des galeries et des alvéoles.
Par contre l’Andra indique que, « s’il était décidé de retirer un grand nombre de colis du stockage, des installations spécifiques seraient alors à construire en surface pour les gérer (pour leur entreposage, leur réexpédition, leur traitement...) ».
L’Andra indique d’autre part que Cigéo est conçu pour pouvoir faire évoluer l’architecture de l’installation souterraine au cours de l’exploitation et accueillir de nouveaux types de déchets. Elle indique enfin que « la fermeture du stockage sera réalisée de manière progressive, depuis la fermeture des alvéoles jusqu’au scellement des puits et des descenderies » sans pour autant que soit précisé le calendrier de fermeture de ces alvéoles.
Aucune indication ne permet de savoir si des scellements interviendront ou non avant que le site ne soit entièrement rempli, vers 2130. Pourtant le dossier indique que « la récupération des colis de déchets sera de plus en plus complexe avec le franchissement de ces étapes ». Pour en savoir plus il faudra attendre : « Un planning de référence des étapes de fermeture qui sera fixé dans le cadre de l’autorisation de création de Cigéo ».
Dernier point : l’Andra propose des rendez vous réguliers avec l’ensemble des acteurs tous les 10 ans après la mise en service, et ce afin de préparer les décisions concernant les perspectives de développement et de fermeture du stockage et réexaminer les conditions de réversibilité. Il est vraisemblable que l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) demandera également une visite décennale de cette INB (Installation nucléaire de base), comme elle le fait pour toutes les autres INB. Elle pourra imposer de nouvelles conditions techniques pour la poursuite de l’exploitation.
En conclusion l’Andra affirme « qu’un stockage réversible, c’est la possibilité de revenir sur les décisions prises, de modifier le planning de fermeture du stockage jusqu’à sa fermeture définitive et de retirer ces colis si besoin. »
A la lecture de ce dossier il apparaît clairement que dans l’esprit de l’Andra la récupération des colis partielle ou totale n’est pas une hypothèse réellement envisagée : aucune description ni aucun dimensionnement des installations provisoires susceptibles de recueillir les différents colis, aucune précision ni sur le lieu ni sur les réparations éventuellement apportées pour assurer l’intégrité de ces colis, aucune information sur la vitesse maximale d’exhaure (épuisement des eaux d’infiltration) de ces colis, et par conséquent aucune information sur les coûts d’une telle opération.
Pourtant la logique qui sous-tend la réversibilité affichée devrait bien être la possibilité pratique d’action en cas d’accident ou d’incident générique qui affecterait tout ou partie des colis. On doit pouvoir par exemple envisager de pouvoir évacuer tous les colis d’un type donné, par exemples ceux enrobés de bitume, ou tous les déchets vitrifiés, ou tous les déchets d’une galerie déterminée, si des mesures in situ ou des incidents laissent à penser qu’une anomalie grave et imprévue risque de survenir (entrée d’eau, fissuration de la roche d’accueil, etc.).
De plus, dans ce genre de cas, et évidemment encore bien plus en cas d’accident (incendie, perte de ventilation, etc.), la notion de vitesse de sortie des colis devient un paramètre majeur, alors que l’enfouissement peut faire l’objet d’une planification temporelle sur plusieurs dizaines d’années. On imagine mal en effet l’idée d’une réversibilité au même rythme que celui adopté pour l’enfouissement (cent ans) pour répondre à une situation d’urgence.
Des questions inquiétantes qui restent sans réponse
D’où une série de questions actuellement sans réponse précise et qui concernent la capacité réelle de récupération des colis d’ici la fermeture définitive potentielle du site vers 2130.
1- Exhaure des colis à inspecter et à remettre éventuellement en état
A quel rythme journalier peut-on sortir des colis en cas d’urgence ? Ce rythme dépend-il de la date à laquelle on a besoin de l’effectuer, entre 2030 et 2130 ? Ce rythme dépend-il de l’état d’endommagement éventuel des colis (en particulier leur état radiologique) ? Quels types d’engins robotisés sont susceptibles de détruire les scellements des alvéoles et d’effectuer le retrait des colis ?
2 - Entreposage sur les sites et atelier de réparation éventuel des colis
Quel type d’installation et quel dimensionnement du site d’entreposage des colis sortis des galeries ? Quelle capacité, quelle surface, quels aménagements de sûreté ?
Quelles solutions de remise en état des colis selon le type de colis sont-elles envisagées ? Ces remises en état éventuelles sont-elles envisagées sur place ? Dans quel type d’installations, équipéees de quels types de machines ? Sinon, où ces colis seront-ils transportés et comment ? Quelles précautions de sûreté sont-elles envisagées ?
3 - Réintroduction éventuelle des colis dans les galeries
La réintroduction des colis dans les galeries souterraines inspectés et/ou remis en état est-elle possible ? Si oui à quel rythme ? Est-elle compatible avec l’exhaure simultanée de colis du même site de stockage ?
4 - Aspects économiques
Quels coûts pour l’ensemble de ces opérations à partir de quelques scénarios incidentels ou accidentels ? Quel peut être le coût de la réversibilité si elle porte sur une fraction importante (10%, 20%, 50%) des colis stockés ?
5 - Gouvernance et risques pour les riverains
Qui va prendre les décisions de récupération de colis et sur quelles bases ? Quelles garanties sont apportées aux populations riveraines, à la société, d’avoir un pouvoir d’influencer les décisions ? Quelles mesures de protection des populations riveraines en cas d’exhaure de colis plus ou moins endommagés ?
Voici une série de questions qui se posent à l’évidence si la notion de réversibilité au sens de la « récupérabilité » doit garder un sens pratique. Jusqu’ici l’Andra, au cours des débats s’est contentée de répondre par un tour de passe-passe. Il consiste à expliquer qu’elle n’a ni décrit ni chiffré les coûts de ces opérations puisqu’il appartiendra à une génération future d’exercer le choix de la réversibilité et d’assumer les conséquences techniques, environnementales et financières qui en découlent.
Sur le plan éthique, on est là devant une contradiction évidente puisque toute la défense et illustration du projet Cigéo repose sur la volonté de ne pas laisser la responsabilité aux générations futures du fardeau de ces déchets.
Mais au-delà de cet aspect éthique, il ne semble pas raisonnable, même si l’on ne prend pas aujourd’hui parti sur la répartition générationnelle des coûts de l’exercice réel de la réversibilité, de ne pas au moins en dresser l’évaluation financière avant toute décision.
D’autant que cette réversibilité risque de ne pas se révéler un choix mais une exigence absolue, si un accident se produit d’ici 2130 ou si des défauts génériques sur certaines catégories de colis imposent des mesures de récupération de ces colis.
A défaut de réponses argumentées à ce type de questions, la réversibilité restera un « élément de langage » supplémentaire pour une opinion citoyenne incertaine et inquiète devant la perspective d’enfouissement des déchets nucléaires à Bure.