Le géologue Paul HUVELIN s'en est retourné à la terre…
A Naix-aux-Forges (Meuse), le 19 juin 2015, la famille, les proches et les amis de Paul se sont retrouvés autour de son cercueil pour une émouvante et simple cérémonie.
Le curé qui officiait a su trouver les mots.
Le ton de la cérémonie : "Paul, un grand cœur, un grand savant, un grand militant".
De l'ensemble des discours, des lectures, des hommages, les présents auront retenu bon nombre de principes, d'idées, de mots chers à Paul, notamment :
La coïncidence avec la date de parution de l'Encyclique LAUDATO SI sur l'écologie - la Création - les systèmes économiques - la vie ensemble - le rapport avec la Terre - Terre qu'il faut organiser et non pas piller, pour le bien des Hommes - le choix de la lecture du Prophète Ezéchiel avait un sens tout particulier pour ceux qui ont lu les prophéties de Paul sur l'eau contaminée par les radionucléides qui sortirait un jour du Centre de stockage de BURE : cette histoire d'eau était particulièrement bien choisie : le prophète voit de l’eau qui sort de dessous le seuil de la Maison, vers l’Est, et cette eau descend au sud de l’autel. Au début l’eau ruisselle, mais le débit augmentant, il se forme un torrent qui se déverse dans la mer Morte, où les poissons reprennent vie; ainsi se développe une industrie de la pêche. Sur chaque rive du torrent croissent des arbres pour la nourriture et la guérison des hommes. - générosité, humanité, respect de Paul pur les paysans du Maroc qu'il a bien connus - Paul était le berger de l'Atlas - la compétence de Paul mais aussi sa joie de vivre, sa simplicité, sa vie sobre - son amour de l'Art et des artisans - son besoin de Justice, de Vérité qu'il défendait à tout prix - Paul aimait la Terre - il avait une attitude de contemplation - il connaissait les dangers du projet CIGéo, il voulait protéger les générations futures - il s'était pris de passion pour le soutien de l'Association des Enfants de Tchernobyl Belarus - il était solidaire avec les victimes des catastrophes et des injustices - il voulait qu'on prenne soin de la Terre, il dénonçait toute exploitation…
Paul, un vie riche de contacts, de travail, de combats.
Une vie qui inspire respect, affection et reconnaissance.
Le discours de Irène Gunepin
Nous sommes tous rassemblés autour de Paul. C’était mon voisin, il est devenu mon ami, voire plus car il faisait vraiment partie de ma famille. Je vais essayer de rappeler, les différentes étapes de sa vie.
On m’a demandé de faire court, cela n’a pas été facile de rassembler les éléments d’une vie aussi riche et dense que fut la sienne en quelques paragraphes. Oui que ce soient au niveau de ses activités professionnelles ou de ses actions militantes Paul laissera des traces dans notre monde.
Il est né le 10 mars 1932 à Marseille et est décédé le 14 juin à l’hôpital de Troyes, de la maladie de Parkinson. Il était l’ainé d’une famille de 6 enfants. Après avoir fait des études secondaires à Cannes au collège Stanislas, il intègre l’école de géologie de Nancy, et en sort diplômé en 1956.
Il effectue ensuite son service militaire comme sous lieutenant en Mauritanie à la Miferma, société minière Française, devenue la SNIM aujourd’hui.
De retour en France, il accepte un contrat au Maroc en 1960. Il y fera toute sa carrière.
Il soutiendra sa thèse d'État sur le massif des Jebilet en 1975, massif long de 170 km de long juste au Nord de Marrakech. Les découvertes qu’il a faites en 1967 sont communément admises depuis. Il a fait de nombreuses publications notamment de minéralogie avec la carte géologique qui va avec. Il était donc ingénieur-géologue et Docteur es sciences.
Il poursuivra son travail de géologue jusqu’à la fin de sa carrière.
Il a aimé le Maroc jusqu’à la passion en plus de son travail et y retournait régulièrement.
Il appréciait particulièrement l’art populaire marocain, l’hospitalité de ses habitants et leur mode de vie simple et chaleureux.
De retour au village auprès de sa Maman, dans les années 90, il va s’engager quelques années plus tard dans le combat contre le lobby nucléaire.
Il forma avec deux autres géologues : André Mourot et Antoine Godinot, un trio inédit qui va faire un travail colossal pour dénoncer les mensonges de l’Andra dans le cadre de l’enfouissement des déchets nucléaires à Bure.
Paul savait mieux que quiconque pourquoi il ne faut pas enfouir, c’est dans ce sens qu’il va participer aux luttes de la vallée de l’Ornain qui ont permis d’arrêter le projet d’enfouissement contre les FAVL. (Faible activité à vie longue))
Paul était quelqu’un à la fois de très distingué et de très modeste mais quand il prenait la parole, on l’écoutait avec respect, car il connaissait son sujet.
Après la mort d’André Mourot, c’est aussi lui qui va mettre en valeur le potentiel géothermique et passer le relai à Antoine Godinot. Aujourd’hui, grâce à sa persévérance, ces richesses du sous sol meusien sont reconnues.
Il publiait régulièrement des articles sur le bulletin des anciens de l’Ecole de Géologie. Il osera s’opposer au corps des Mines et fera évoluer un tant soit peu les mentalités.
Mais Paul était aussi de toutes les causes, il était un membre assidu de l’association des enfants de Tchnernobyl où il a rencontré les scientifiques bielorusse comme Nesterenko, Tchertkoff.
Il soutenait financièrement aussi les anti-OGM en procès, participait aux réunions d’Attac, soutenait et s'intéressait aux énergies renouvelables...
Il avait aussi la passion de la photo. Le bled marocain il l’a capté jusqu’au plus profond de ses racines et fait de somptueux portraits des paysans qu’il côtoyait. Il faudrait d’ailleurs un jour en faire une exposition.
C’était aussi un vrai sportif, à vélo nous avons vagabondé dans toutes les forêts du secteur. Paul, c’était un être sensible, quand il oubliait toutes les misères du monde, il était capable de s’émerveiller devant une fleur sauvage, de décortiquer en détail l’œuvre du portail d’une église ou de jouer avec un petit enfant qu’il redevenait lui-même.
Très bon nageur, il s’entrainait dans les biefs du canal, quelques fois, il nous faisait peur.
C’était quelqu’un de passionné et de passionnant à côtoyer.
Voilà Paul, vous avez lancé un combat pour les générations futures, c’est à nous de le poursuivre, faites–nous confiance, nous n’y manquerons pas.
Merci Paul pour tout ce que vous nous avez apporté.
La gerbe offerte par les militants.
Le détail de la gerbe : pierres et tubes à essais ! - Félicitations au créatif fleuriste.
Le discours de l'Association Les Enfants de Tchernobyl Belarus, lu par Antoine Godinot
Au nom d'Alexey Nesterenko, directeur de l'Institut de radioprotection indépendant BELRAD de Minsk et au nom du Conseil d'administration de l'association Enfants de Tchernobyl Belarus, hommage à Paul Huvelin.
Paul, aussi loin que nous remontons dans nos fichiers, apparaît comme un fidèle et généreux soutien de l'engagement de l'Institut Belrad auprès des enfants de Biélorussie touchés par Tchernobyl. A plusieurs reprises durant toutes ces années à nos côtés, une contribution miraculeuse de Paul est arrivée sur le compte de l'association, qui évitait au directeur de Belrad, Vassily puis Alexey Nesterenko, de se trouver en cessation de paiements et dans l'obligation de licencier un ou plusieurs des membres de son équipe. Belrad et les enfants de Tchernobyl doivent beaucoup à Paul. Ils le savent.
Belrad perd un soutien. Nous perdons un ami. Chaque année, il tenait à assister à l'assemblée générale de l'association. Chaque année il éprouvait une difficulté plus grande à se déplacer mais il était là et nous offrait le plaisir de sa présence au dîner amical qui suivait. Chaque année, en cette occasion, nous échangions longuement avec lui. Il aimait à communiquer ses passions, à faire partager son regard sur le monde, sur les gens, à nous faire part de ses préoccupations. Il a mis ses connaissances et ses compétences au service des causes qui lui tenaient à cœur. Bref,
Paul était précieux et à bien des égards irremplaçable.
Paul était avant tout un un homme droit. Nous ne l'oublierons pas. Qu'il repose en paix.
J'ajouterais à cet hommage que sur ces années, Enfants de Tchernobyl Bélarus avec l'Institut Belrad, étaient un repère qui le guidait. Trois jours après la mort du scientifique Vassili Nesterenko, le hasard voulait que Paul Huvelin soit chez Michel Fernex, médecin qui travaille sur les problèmes de santé des enfants des zones contaminées. Paul lui envoyait ses projets de lettre pour le Bulletin des anciens élèves de l’École de géologie. Il voulait leur donner l'information de première main sur les conséquences sanitaires de l'accident en réponse à quelques articles d'anciens élèves à Cogema. Pourtant ils sortaient du même moule. Mais lui a choisi de ne pas cacher la vérité. Il a été à la rencontre du groupe de l'association des Enfants de Tchernobyl Bélarus auquel il adhérait complètement. On voyait bien que l'action de cette association avec l'institut Belrad pour ces enfants et familles en détresse et tout ce qu'elle signifie, le nourrissait.
La gerbe offerte par l'Association Les Enfants de Tchernobyl BELARUS. Gerbe qui intégrait un Ginkgo Biloba, l'arbre le plus vieux du monde, qui a survécu au bombardement d'HIROSHIMA. Il n'a pas changé depuis plus de 200 millions d'années. Il est donc devenu l'arbre sacré d'Asie, symbole de vie, de renouveau et porteur d'espoir.
Le discours de Jean-Arsène JOSSEN.
Paul a fait l'essentiel de sa carrière de géologue au sein du Service des gîtes minéraux du Ministère des Mines du Maroc. Au cours de sa longue carrière il a développé une profonde connaissance de l'hercynien marocain, son travail minutieux a permis de décrire la stratigraphie et de mettre en évidence la tectonique particulière de cette ancienne chaîne de montagne.
En 1972, la Carte géologique et gîtologique au 1:200'000, levée et dressée par Paul était publiée par le Service géologique du Maroc.
En 1977, le Service géologique du Maroc a publié son Étude géologique et gitologique du massif hercynien des Jebilet (Maroc occidental). Dans cet important ouvrage de plus de 300 pages, Paul détaille l'histoire géologique et gîtologique de la région : il décrit avec précision les formations rocheuses, les indices minéralisés et donne une vue sur le modèle géodynamique.
Après avoir quitté le Maroc, Paul y est revenu chaque année, pour se rendre de préférence au printemps avec Amina dans le Maroc central, retrouver les terrains hercyniens et ses amis du bled. Il y poursuivait inlassablement ses travaux de terrain. Un ami forestier qui l'avait connu m'a communiqué ceci : C'était un grand homme cultivé d'une fibre vraiment à part et très rare ! C'est ce genre d'homme qui me donne l'espoir et m'inspire confiance en l'avenir de l'humanité, je suis profondément triste . C'est le grand chêne qui tombe ! Qui nous laisse orphelins !
Paul était très appréciés et respectés par ses collègues au Ministère des Mines. Il fût l'un des derniers représentants de la géologie française à avoir quitté le Maroc. Notre collègue Jacques Jenny en apprenant sa mort a dit de lui : C'est un géologue brillant et trop modeste qui nous quitte !
Et Jacques, lui-même brillant géologue, était bien placé pour juger des qualités de Paul puisqu'ils ont signés ensemble plusieurs publications sur l'hercynien du Haut Atlas, domaine d'étude de Jacques.
Paul avait un sens de l'observation très fin aiguisé par la pratique du terrain et aussi un regard artistique très sûr, comme en témoignent les séries de photos qu'il a prise au Maroc, à Paris et ailleurs, plusieurs de ces séries de photos pourraient faire l'objet d'expositions, ce qu'il n'a pas fait de son vivant, trop préoccupé par d'autres objectifs. Son sens esthétique l'avait amené à s'intéresser aux hanbels tissés par les tribus du Moyen Atlas. La collection constituée par Paul comporte de très belles pièces qui témoignent d'un artisanat extrêmement riche. Il a aussi été un amateur averti de la peinture naïve marocaine. Quelques très belles toiles de Mohammed Lagzouli qu'il a acquise serait digne de la Collection d'Art brut de Lausanne.
Cela faisait plusieurs années que la maladie de Parkinson progressait avec ses séquelles irréversibles. Néanmoins, chaque matin, au lever, Paul faisait au-moins une demi-heure de gymnastique pour entretenir sa musculature et sa souplesse. Malgré la souffrance physique sa vivacité intellectuelle était restée intacte.
Ses travaux sur l'hercynien marocain n'ont pas toujours été reconnu à leur juste valeur par les universitaires français qui ont souvent cherché à tirer la couverture à eux. J'en prends pour exemple le jour où l'excursion du congrès international du PICG au Maroc au milieu des années 1980 visitait des affleurements dans les Jebilets, là où il avait fait l'essentiel de ses découvertes, je me souviens de la longue colonne de Land Rovers alignées le long de la piste, mais pas de la présence de Paul, qui avait été orienté sciemment dans une autre direction par ses « confrères ».
Ces dernières années Paul s'est aussi attiré les foudres d'autres confrères, les anciens diplômés des Ecoles des mines, par son soutien aux opposants au site d'enfouissement profond des déchets radioactifs de Bure en Lorraine et ses prises de positions clairement anti-nucléaires dans les revues des anciens élèves des dites Ecoles. Son grand intérêt pour la géothermie l'avait amené à contester, avec ses collègues et amis hydrogéologues les rapports de l'ANDRA sur les ressources géothermiques potentielles sous le projet de Bure. Rapports qui minimisaient l'intérêt de cette ressource. L'acharnement de Paul et de ses amis a finalement obligé les autorités à mandater un organisme neutre, dont l'étude à confirmé les vues de Paul. Son engagement anti-nucléaire s'est aussi manifesté par un soutien moral et financier aux enfants victimes de la catastrophe de Tchernobyl.
Nous perdons un ami droit et sensible qui nous portait une affection discrète et fidèle. Paul Huvelin nous manquera.
A également été offerte cette dalle de pierre de BURE sur laquelle on pourra graver :
Paul HUVELIN
1932 - 2015
"Un grand cœur, un grand géologue, un grand militant"
Une pierre de BURE, parce qu'il y avait jadis des carrières de pierre à BURE : l'Oolithe de Bure était autrefois exploitée comme pierre de taille sur plusieurs sites du sud de la Meuse (carrières de Bure, Givrauval, Reffroy, St-Joire, Tannois, Tréveray...).
Très peu poreuse, elle a en particulier servi à construire les écluses du canal de la Marne au Rhin. Des fragments de cette roche ont également été retrouvés lors des fouilles de la cité gallo-romaine de Nasium (Naix-aux-Forges)
Les ouvrages de Paul
On trouve sur Internet quantités de publications de Paul HUVELIN, notamment sur la géologie de BURE, les risques d'un stockage dus à l'eau, les ressources en géothermie... en association avec ses amis géologues : André MOUROT et Antoine GODINOT.
Les réactions suite à la diffusion de cet hommage
- Beau et émouvant. Pascal
- Que la jeunesse emprunte les pas de tous ces militants qui, en disparaissant, laissent un vide profond... Hervé